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Cette déclaration péremptoire amena une prompte réplique de Ké-shen, qui suppliait les plénipotentiaires de suspendre encore leur décision pour donner le temps de prendre de nouveau les ordres de l’empereur, ne douta pas qu’on ne reçût promptement une réponse satisfaisante de tout point. On eut égard à cette demande, et un délai de six jours, porté ensuite à dix, à la demande expresse et urgente de Ké-shen, fut accordé. Pendant la trêve, une partie de l’escadre alla croiser sur différens points. L’amiral, sur le steamer, alla reconnaître la grande muraille, dont il se trouvait à moins de deux milles, quand il releva l’extrémité orientale de cette construction prodigieuse, qui venait se terminer à la plage par un fort carré dont la position fut déterminée par des observations prises à bord du Madagascar. On trouva pour la longitude de ce point 120° 2′ ouest, et pour sa latitude 40° 4′ nord. La vue de la grande muraille paraît avoir produit une très vive impression sur toutes les personnes qui étaient à bord et qui, à la distance où se trouvait le Madagascar, pouvaient embrasser de l’œil un grand développement de cette ligne imposante. On la voyait distinctement couronner le sommet d’une chaîne de montagnes parallèles à la côte, et, à la distance de cinq ou six milles, descendant dans la plaine qui s’étend entre ces montagnes et la mer, se terminer au rivage par le fort assez considérable dont nous venons de parler. On distinguait des tours élevées à des intervalles égaux, se détachant en saillie sur toute la ligne, et on put remarquer, en examinant les parties de l’ouvrage qui pouvaient donner pour ainsi dire une idée de la section de la muraille, qu’elle était flanquée d’un parapet de part et d’autre. On voyait dans l’intérieur du fort des tentes et des soldats, et un petit camp près de la porte du côté de la Tartarie ; le tout, selon les témoins oculaires, ayant l’air d’être arrangé pour l’occasion.

Il paraît que la dépêche contenant la réponse définitive du gouvernement chinois fut apportée au Wellesley par l’aide-de-camp du vice-roi le 12 ou le 13 septembre. Ké-shen écrivait aux plénipotentiaires en leur envoyant copie des instructions qu’il avait reçues du gouvernement impérial. On s’occupa immédiatement de la réponse, qui fut envoyée le lendemain matin par le steamer. L’aide-de-camp avait supplié, dit-on, l’amiral de ne pas repartir avant que Ké-shen eût le temps de communiquer une dernière fois avec lui ; mais l’amiral ne voulut pas y consentir, et le 13 (ou le 15 selon quelques correspondances), toute la flotte mit à la voile, gouvernant sur un petit groupe d’îles près de l’entrée de la baie. On mouilla sous une de ces îles, celle de To-kay, et, on envoya quelques embarcations à terre. M. Morrison trouva en ce lieu une affiche qu’il reconnut être une des nombreuses proclamations du gouvernement de la province, au sujet de l’expédition de Chusan. La proclamation, faisant allusion à la prise de cette île par les troupes anglaises, ordonnait, au nom de l’empereur, que sur toute la côte on fît des préparatifs pour résister à l’invasion ; que dans les lieux fortifiés on se hâtât de réparer les fortifications et de les augmenter ; que là où il n’y en avait pas, on en élevât sans délai ; que si dans quelques villes ou villages de la côte il se trouvait peu ou