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DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.

accordé le rang et les honneurs de prince de son sang, paraît devoir succéder à la couronne. Une des princesses, veuve de Karrak-Singh, disputait à Shère-Singh le pouvoir souverain, qu’elle voulait retenir au profit d’un enfant dont elle se prétendait enceinte, et les principaux chefs ainsi que quelques officiers européens, paraissaient s’être rangés de son côté[1] ; mais les derniers avis nous montrent Shère-Singh triomphant après une lutte sanglante de quelques jours. Son pouvoir cependant ne semble pas s’appuyer sur les sympathie des chefs les plus influens, et le seul fait certain pour nous, en ce moment, est l’existence de prétentions rivales sur lesquelles le gouvernement anglais aura à prononcer.

Le royaume du Pandjâb a été formé par l’habileté et l’énergie de Randjit-Singh, et il est probablement destiné à survivre bien peu d’années, comme état indépendant, à l’homme extraordinaire dont l’ambition, tolérée et même appuyée dans ces derniers temps par les Anglais, lui a donné naissance. C’est la seule partie de l’ancien empire Moghol qui ne soit pas, par le fait, sous la domination immédiate de l’Angleterre. La domination sikhe s’étend sur des pays essentiellement favorisés par la nature, tant sous le rapport de la fertilité que sous celui des moyens de transport. Elle tient dans Peshawar la clé de l’Afghanistan, commande la navigation de l’Indus, et, sans l’intervention des Anglais, qui venaient de songer sérieusement à la restauration de Shâh-Shoudjâ, Randjît-Singh se serait rendu maître de tout le cours de ce fleuve.

Ce prince, dont la sagacité savait contenir son ambition subtile dans les bornes de la discrétion, paraît avoir eu de bonne heure confiance dans sa fortune ; mais en même temps il comprit la nécessité d’entretenir les relations les plus amicales avec le gouvernement anglais[2]. Ainsi, lorsque sir Charles Mitcalfes, agissant d’après les

  1. L’influence que les officiers français et italiens au service du roi de Lahore ont exercée du temps de Randjît-Singh était peu considérable. Cette influence n’a pas dû augmenter sous Shère-Singh, qui s’était toujours montré, du vivant de son père, peu bienveillant à l’égard de nos compatriotes. Shère-Singh, nous le croyons, est dans des dispositions bien différentes : il n’aura rien négligé pour s’assurer le puissant concours de ces chefs braves et intelligens ; mais on doit s’attendre, dans le cas d’une intervention directe des Anglais dans les affaires du Pandjâb, à ce que les officiers européens de l’armée sikhe soient pensionnés, peut-être sous la garantie du gouvernement anglais. Il serait possible qu’on se contentât de les réduire à des fonctions purement honorifiques près de la personne du souverain nominal ; mais cela nous paraît douteux.
  2. M. Vigne, dans l’ouvrage qu’il a publié dernièrement à Londres (A personal narrative of a visit to Ghizni, Kaboul, etc., London, 1840), raconte que les officiers français au service de Randjit-Singh ont contribué, par leurs conseils, à le