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CAPODISTRIAS.

ceptibilités des trois puissances, qui pourraient s’en trouver blessées. On avait beaucoup abusé de cet épouvantail, qui avait perdu son prestige. M. Polyzoïdès resta ferme dans sa résolution. La veille de l’apparition du premier numéro, des agens de police se présentèrent à la maison du propriétaire, saisirent les presses et les exemplaires déjà imprimés et les emportèrent. M. Polyzoïdès s’adressa au sénat ; le sénat resta muet.

M. Pierre Mavromichalis, ancien bey de Maïna, l’un des chefs les plus illustres de la Grèce, vieillard vénérable qui avait vu décimer sa famille sur les champs de bataille, fut réduit à sortir clandestinement de Nauplie, où, sans accusation comme sans motifs, on le tenait sous le coup d’une surveillance qui dégénérait en détention ; il se retira d’abord à Zante, puis il partit pour Limeni, où s’était organisée une commission constitutionnelle, sous la présidence d’un de ses neveux, M. Élie Mavromichalis. M. Capodistrias, en apprenant cette retraite, adressa au sénat un message qui, plein d’accusations vagues contre la famille du fugitif, n’articulait guère de charges positives ; en revanche, il s’empressa d’envoyer une note aux résidens des trois puissances pour leur peindre l’état cruel dans lequel allait tomber la Grèce, si on ne lui donnait pas les moyens d’anéantir les espérances des factieux ; puis il écrivit à sir Frédéric Adams pour demander la punition du capitaine ionien qui avait favorisé ce qu’il appelait assez plaisamment la désertion du sénateur Mavromichalis.

Ce dernier, arrêté à Catacolo, fut aussitôt transféré à Nauplie et enfermé dans le Palamidi, sans qu’on prît autrement la peine de lui faire connaître son crime. Hydra leva ouvertement l’étendard de la révolte ; désormais cette île n’aura plus de rapports avec le gouvernement de M. Capodistrias. Les mécontens qui y affluèrent de toutes parts demandèrent à grands cris la convocation d’une assemblée nationale et le retour à cette constitution de Trézène d’où émanaient les pouvoirs du gouvernement qui l’avait si lestement abrogée. M. Polyzoïdès quitte Nauplie, arrive avec ses presses à Hydra, et le premier numéro de l’Apollon voit enfin le jour. Les partisans de M. Capodistrias jettent aussitôt feu et flamme contre le journal, le rédacteur et les lecteurs. Pas d’invectives qu’on ne leur prodigue ; mais elles ne neutralisent point la puissante influence que l’Apollon exerce sur les esprits. On se décide alors à formuler une loi contre la liberté de la presse, et on établit que tout journal politique ne sera publié que moyennant un cautionnement de 4,000 francs. Cette mesure était tardive et illusoire ; Hydra se trouvait en rébellion ouverte. Le gouvernement, furieux des attaques de l’Apollon, parle d’enlever l’imprimerie par un coup de main. Les Hydriotes se tiennent sur leurs gardes, et cette boutade presque enfantine n’a d’autre effet que de donner le spectacle bizarre d’une presse gardée nuit et jour par soixante marins armés jusqu’aux dents.

L’opposition désormais constituée, et dont l’ardeur était extrême, refusait au président toute légitimité, l’interrogeant et le jugeant au nom de la constitution. Retranchée dans Hydra contre les ruses de la police, elle entretenait une correspondance active et menaçante avec les patriotes restés sur le terri-