personne, amie de Jacqueline, se chargea de recevoir les lettres de nos amans On suspendit toutes les démarches à faire jusqu’au retour de La Guette, et la pucelle de Gros-Bois reprit fort à contre-cœur le rôle naturel des filles contrariées, qui est d’attendre et de soupirer.
Il n’y avait pas huit jours que le jeune homme avait quitté le pays, lorsque Meurdrac reçut un billet de l’abbesse de Gersi, dont le couvent était à Brie-Comte-Robert. Le père fit réponse verbalement qu’il irait le lendemain voir madame la supérieure avec sa famille. Jacqueline n’ayant pas de frère, ne s’imagina pas qu’on voulût la mettre en religion ; cependant ce couvent et cet air mystérieux lui donnèrent du souci. Elle demanda au bonhomme ce qu’il voulait faire chez l’abbesse. Meurdrac répondit que c’était une cérémonie de prise de voile à laquelle il devait assister. Le lendemain on monta en carrosse de grand matin et on s’en alla au couvent. Jacqueline, toujours sur le qui vive, prit la tourière à part et s’informa de la cérémonie. La tourière, ne sachant ce qu’elle voulait dire, battit la campagne et se troubla. Tout cela semblait tourner au sombre, lorsque la supérieure fit entrer ses hôtes au parloir, où l’on trouva de la compagnie des environs et une collation servie où il n’y avait que du fruit et du laitage. Les yeux de la jeune fille avisèrent tout de suite trois cavaliers bien faits et de bonne mine qui causaient dans un coin et qui saluèrent à son entrée. Meurdrac marcha droit à l’un d’eux, lui prit les mains, et le caressa de telle sorte, que Jacqueline flaira aussitôt le complot : c’était un mari qu’on lui destinait. En effet, on se mit à table, et le gentilhomme prit place à côté d’elle sur un signe du père dont elle s’aperçut. La surprise lui eût été pénible dans un autre instant, mais comme Jacqueline avait craint le couvent, qui est un parti plus fâcheux aux jeunes filles que le pire des maris, elle ne fit pas trop la cruelle pendant le repas. Elle daigna sourire des bons mots du jeune cavalier, et le remercia de la peine qu’il se donnait à lui servir le meilleur de chaque morceau. Quand on eut mangé, on alla dans les jardins. Meurdrac emmena sa fille un peu à l’écart pour lui dire tout bas :
— Ce gentilhomme qui vous a parlé se nomme le chevalier de Voisenon. Il est de mes amis et il a du bien. Traitez-le comme il faut. Il sera votre mari. Faites selon mon plaisir, je vous prie.
On se rapprocha aussitôt, et M. de Voisenon poursuivit ses galanteries pendant la promenade. La nuit étant venue et les carrosses étant prêts, Jacqueline saisit l’instant où son père s’occupait des chevaux pour adresser au prétendant cette allocution un peu brusque :