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MADAME DE LA GUETTE.

à l’arbre où étaient les chevaux et en rapporta une espingole chargée de douze balles ; il tira sur Jacqueline, qui roula par terre blessée mortellement. Les assassins tombèrent ensuite sur notre héroïne, et furent assez lâches pour la percer encore de cinq coups de rapière. Elle résista jusqu’au dernier soupir. Le chef de ces misérables, qui l’avait achevée, raconta par la suite qu’en mourant elle l’avait regardé d’un air si furieux et si terrible, qu’il n’en avait point dormi de trois semaines.

Ainsi périt Mme de La Guette, comme elle avait vécu, c’est-à-dire intrépidement, l’épée au poing et la face tournée vers l’ennemi. Si son grand cœur ne suffit pas à la préserver de la mort dans cette mauvaise rencontre, elle eut du moins, en l’autre monde, la satisfaction de voir qu’elle avait sauvé son fils, car les bandits prirent la fuite et s’enfoncèrent dans la forêt, de peur d’être poursuivis par les gens de Mme de La Guette, qui accouraient au bruit du combat. Le corps de notre amazone fut rapporté à Gand ; on lui fit un service très beau, où assistèrent le comte de Marsin, M. de Monterey et bien d’autres grands seigneurs. On lui éleva un tombeau de marbre, aux frais des bourgeois de la ville, sur lequel on grava en abrégé les traits les plus sublimes de sa vie et l’énumération de ses vertus.

Puisse le lecteur bénévole avoir trouvé quelque délassement au récit des hauts faits de Jacqueline de La Guette, et nous pardonner de l’avoir tenu aussi long-temps pour lui donner une faible idée de ce que nos pères appelaient une femme vaillante.


Paul de Musset.