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LE SALON.

dogmatiques auxquels travaillent en ce moment tant de métaphysiciens allemands, tant de poètes et romanciers français. Cette tendance se trahit plus ou moins dans un assez grand nombre de peintures, par exemple dans celle où M. Lafon nous donne un Ange présentant à l’enfant Jésus la couronne d’épines, au milieu d’une gloire lumineuse, entre ciel et terre ; la Vision de sainte Thérèse, de M. Glaize, offre un goût de composition et des effets de lumières analogues. M. Lavergne, dans ses Ames du Purgatoire, a visiblement pris conseil de M. Signol. Ce même artiste récidive dans sa Lapidation de saint Étienne, où il introduit, sans autorité et contre toutes les règles, Jésus-Christ dans son costume terrestre, et, qui pis est, le fait accompagner par Dieu le père. Les Anges au Sépulcre, de M. Varnier, ne sont pas non plus très orthodoxes, et son tableau tout entier est encore une des fautes de M. Signol, auquel on peut reprocher aussi en partie le Christ au Tombeau de M. Janniot, et surtout la Madeleine, de M. Laby. Les mêmes tendances hérétiques se révèlent encore dans les Trois Vertus théologales de M. Louis, dans l’Assomption de la Vierge de M. Wachsmut, dans l’Annonciation aux Bergers de M. Cibot, dans la Fuite en Égypte de M. Colin, peinture d’une laideur rare, et enfin dans bon nombre d’autres encore ; car ce système gagne considérablement du terrain. La Madone de M. H. Scheffer, tout talent à part, n’a pas d’autre filiation que les Medora et les Marguerite, ce qui est une origine bien romanesque et assez mondaine.

La troisième classe est bien moins nombreuse, mais elle est plus caractérisée ; elle a pour chef éloigné M. Ingres, et pour précédens plus immédiats MM. Flandrin, Lehmann, Amaury-Duval. C’est une sorte de classicisme moderne un peu moins insipide que l’ancien, mais plus pédantesque peut-être, et surtout plus importun, car il n’est pas si modeste. On reconnaît aisément ses produits aux signes suivans : composition pauvre, figures clairsemées et de grandeur demi-nature, expressions froides, dessin exact, compassé, exécution étudiée et presque précieuse du modèle, absence de relief, tons gris, coloris faible, monotone, lumière plate, bouche uniforme. On retrouvera la plupart de ces caractères, sinon tous, dans l’Adoration des Bergers, de M. Philippe, dans l’Éducation de la Vierge, de M. Pilliard, la Captivité de Babylone de M. Joyard, le Jacob et Laban, de M. Dumas, enfin dans la jolie Tête d’Ange que M. Amaury-Duval a dessinée et pensée avec une simplicité si recherchée.

Nous ne savons à quelle classe rattacher le Moïse sauvé des eaux