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L’ÉCOSSE.

France, où souvent l’inconnu de la veille est traité sur le même pied qu’un ami d’enfance ; elle est naturelle, franche, et, envers les étrangers, elle va parfois jusqu’à l’hospitalité la plus dévouée. Les Écossais se dépouillent à leur égard de toute méfiance et de toute froideur ; ils feront, pour leur plaire et leur être utiles, le sacrifice de leurs affaires, de leur temps, quelquefois même de leurs scrupules. Ce dernier sacrifice doit être regardé comme extrêmement méritoire ; ces scrupules, en effet, sont nombreux, et, tout en se conformant aux plus minutieuses convenances du monde, il est bien difficile de n’en pas heurter quelques-uns ; la plupart proviennent de croyances opposées. L’Écosse, ainsi que l’Amérique, est le pays des sectaires ; l’esprit de secte prend souvent à Édimbourg et à Glasgow la place de l’esprit de parti. Les coteries religieuses y sont tout aussi ardentes que les coteries politiques. Elles en ont, du reste, les passions, les petitesses et toutes les allures. L’esprit de secte exige un renoncement complet de soi-même. Du moment qu’en fait de doctrines on adopte un système, il faut en admettre les conséquences, tout absurdes qu’elles paraissent. L’une des manières les plus certaines de faire naître le prosélytisme et de commander la confiance, c’est de se monter très exclusif. Un chef de secte doit toujours l’être, par cela même qu’il est convaincu et qu’il veut convaincre ; mais, tout détaché de la terre qu’il paraisse, tout sublime que soit son but, les moyens qu’il emploie pour y atteindre sont toujours vulgaires et humains. L’obligation imposée au sectaire de se conformer à certaines règles absolues, à certaines pratiques minutieuses, ou, en d’autres termes, l’exagération du puritanisme, est le moyen le plus souvent employé ; nous ne doutons pas qu’il ne soit très efficace, mais nous le tenons aussi pour tout-à-fait contraire à l’harmonie sociale. Il condamne le sectaire à une défiance continuelle de soi-même et des autres et à une réserve exagérée. Il met en outre l’homme le plus méticuleux dans l’impossibilité absolue de ne pas blesser, soit en paroles, soit en actions, les convictions ostensibles ou cachées de quelqu’une des personnes avec lesquelles il se trouve fortuitement en rapport Cette tendance au puritanisme exagéré ajoute encore au peu d’attrait de cette société aristocratique, où chacun se classe selon sa caste, sa fortune et son rang.

La parcimonie écossaise est devenue proverbiale chez les Anglais, qui, pendant près de deux siècles, se sont plu à donner aux Écossais tous les défauts et tous les ridicules possibles, comme ils donnent aujourd’hui aux Irlandais tous les vices sans exception. À les en croire, au-delà de la Tweed, l’avarice s’étend à toutes les classes