on finit par se faire une idée exacte de la domination des Carthaginois en Afrique et des moyens qu’ils employaient pour assurer cette domination.
D’abord cette domination n’était ni aussi étendue ni aussi incontestée qu’on le suppose. Carthage n’occupait en Afrique que les côtes. Au commencement même de la seconde guerre punique, c’est-à-dire aux jours de sa plus grande splendeur, elle s’étendait sur les bords de la Méditerranée, en Afrique, depuis la petite Syrte jusqu’aux Colonnes d’Hercule ; en Europe, sur les côtes d’Espagne, depuis le détroit de Gibraltar jusqu’aux Pyrénées ; et enfin, dans les guerres puniques, il s’agissait de la possession de la Sardaigne et de la Sicile, c’est-à-dire des îles de la Méditerranée, C’est dans ces îles que les Carthaginois rencontrèrent les Romains. S’ils ne les eussent pas trouvés là, ils eussent été les chercher en Italie. Carthage, en effet, visait à la possession du bassin occidental de la Méditerranée. Le bassin oriental appartenait aux Grecs ; mais son empire ne devait s’étendre que sur les côtes de la mer. Carthage ne voulait point s’enfoncer dans les terres ; elle visait à la domination des mers, et non à la domination du continent. Elle laissait volontiers aux habitans la possession de l’intérieur, les côtes lui suffisaient ; et ce qu’il faut remarquer sur ce plan d’empire maritime, c’est qu’il répondait parfaitement, d’une part, à la situation de Carthage en Afrique, à la configuration même de cette ville, et, de l’autre, à l’état de l’Occident, lorsque Carthage commença à se développer.
En Afrique, en effet, Carthage, dans ses commencemens, n’avait dû songer qu’à posséder un port. L’intérieur du pays était occupé par des peuples barbares qui eussent opiniâtrement défendu la possession des terres qu’ils cultivaient pour vivre ou qui leur servaient à faire paître leurs bestiaux, mais qui, n’ayant aucune habitude, ni aucune science de la navigation, délaissaient volontiers aux étrangers un rivage dont ils ne faisaient rien. De plus, le rivage touche de près aux montagnes ; à peine reste-t-il aux bords de la Méditerranée une longue et étroite terrasse. Un empire sur les côtes de l’Afrique septentrionale manquera donc toujours de profondeur ; car, parvînt-il à soumettre les habitans du pays, il rencontre comme obstacles d’abord les montagnes, et au-delà des montagnes le grand désert. Carthage comprit admirablement ce pays, et elle se borna à la possession des côtes, sans se soucier même d’aller jusqu’aux montagnes, les laissant aux Numides qui les habitaient.
La configuration de la ville de Carthage semblait elle-même expri-