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L’AFRIQUE SOUS LA DOMINATION FRANÇAISE.

mens français en Algérie porte l’effectif de ces corps, pour 1837, à 5,835 hommes. Malheureusement, l’appendice qui suit ce tableau nous apprend que dans les corps indigènes il y a beaucoup de Français. Ainsi, dans les trois bataillons de zouaves, sur un effectif de 1,325 hommes, il n’y a que 281 indigènes. Dans la cavalerie, la proportion entre les indigènes et les Français paraît plus forte en faveur des indigènes, quoique l’appendice n’en donne pas le détail exact. Cependant il ne paraît pas que jusqu’ici le recrutement indigène nous ait beaucoup réussi en Afrique.

Outre des soldats, Carthage achetait aussi du blé aux Numides ; par là elle avait encore prise sur eux ; de plus, ce commerce de blé était pour Carthage une affaire importante. Dans tous les temps en effet, dans l’antiquité comme de nos jours, le transport du blé des pays qui en regorgent dans les pays qui en manquent a été un des principaux soins du commerce, et dans tous les temps aussi, les blés de la mer Noire et les blés de l’Afrique septentrionale ont nourri l’Europe. Ce sont ses deux grands greniers d’approvisionnemens. Les Carthaginois se firent les facteurs d’un de ces grands greniers, intéressant de cette manière à leur prospérité l’avarice des Maures. Nous voyons dans Tite-Live, entre la deuxième et la troisième guerre punique, quand les Carthaginois vaincus et Massinissa se disputent la faveur des Romains, nous voyons quelles immenses quantités de grains Carthage et Massinissa offrent à l’envi l’un de l’autre aux Romains. Cette abondance de grains contredit ce que nous sommes habitués à entendre dire de la stérilité de l’Afrique. Comme tous les pays du monde, l’Afrique est stérile quand elle est mal cultivée. Polybe dit, dans l’éloge qu’il fait de Massinissa[1], que ce qu’il y a de plus beau dans la vie de ce prince, c’est qu’il démontra que la Numidie, qui jusqu’alors passait pour stérile, était, si on savait la cultiver, aussi fertile que tout autre pays. Il ensemença des champs d’une immense étendue, et ces champs devinrent d’une admirable fertilité. L’Afrique, sous les Romains, continua d’être avec l’Égypte le principal grenier de l’Italie, et lorsque Constantin donna à l’empire une seconde capitale, il décréta qu’Alexandrie et l’Égypte seraient chargées d’approvisionner Constantinople, et Carthage d’approvisionner Rome. Jusque dans ces derniers temps, l’Afrique a toujours fourni du blé à l’Europe. Avant 1789[2], la compagnie française d’Afrique achetait sur les côtes de l’Algérie, et principalement sur

  1. Livre XXXVII, chap. 3.
  2. Établissemens français, 823.