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et de la morale, qui ont fait jamais avancer de beaucoup l’odomètre social. L’odomètre, il est bon qu’on le sache, est un instrument qui pourrait servir à mesurer le progrès. Il me semble que, pour avoir le droit de mépriser une science, il faut prouver qu’on la domine. Si on émettait, devant les savans de l’école sociétaire, la prétention de réformer les mathématiques dans un langage qui trahît l’ignorance des procédés et des résultats de cette science on serait sans doute accueilli avec un sourire de pitié. Les phalanstériens ne s’exposeraient-ils pas à quelque chose de semblable, si leur conviction sincère ne commandait pas des égards ? Mais à quoi bon prolonger la discussion contre des adversaires qui se contentent d’opposer des affirmations absolues au raisonnement individuel comme au témoignage unanime des siècles antérieurs ? Vienne donc pour eux le jour de l’expérience ; celui du désenchantement ne tardera pas à le suivre. Après le naufrage de leurs idées, nous verrons les disciples de Fourier, comme les saint-simoniens, chercher un refuge au sein de cette société qu’ils veulent détruire ; ils en obtiendront, comme leurs devanciers, les avantages qui sont bien rarement refusés aux hommes de vigueur et de talent, et comme eux encore, ils oublieront aisément qu’en des jours de vertige ils ont ébranlé des idées respectables, semé autour d’eux le doute et l’aigreur, inquiété des intérêts et dérangé des existences.


A. Cochut.