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DU GOURVERNEMENT REPRÉSENTATIF.

et se séparent, s’unissent et se divisent, arbitrairement et confusément ; là une lutte organisée et sérieuse dont l’issue laisse le pouvoir dans les mains où il se trouve, ou le fait passer en d’autres mains, mais sans jamais ébranler le pouvoir lui-même, sans affaiblir les hommes, sans porter atteinte aux caractères et aux opinions ; ici les combats, ou pour mieux dire, des escarmouches sans motif et sans but, où le pouvoir périt, où les hommes s’usent, où les opinions et les caractères s’énervent et se dégradent ; là enfin une transaction large et féconde entre les grands principes et les grands intérêts sociaux qui se partagent le pays ; ici de mesquins compromis entre des ambitions personnelles et des intérêts particuliers : tel est, dans ses lignes principales, le triste tableau que trace M. de Carné, tableau un peu chargé peut-être, mais qui, malheureusement, est loin de manquer de vérité. Il faut ajouter que ce qui s’est passé récemment n’est guère propre à rendre la confiance à ceux qui l’ont perdue. En mettant le pouvoir au concours entre toutes les opinions et toutes les capacités, le gouvernement représentatif, plus que tout autre, exige que les opinions se groupent, que les capacités se classent, et que de petites dissidences et de pauvres jalousies ne viennent pas chaque jour rompre le faisceau à peine formé, et interrompre l’œuvre à peine commencée. Il exige aussi que les ambitions restent subordonnées aux principes, et non les principes aux ambitions. Or, est-ce ainsi que le gouvernement représentatif est aujourd’hui pratiqué ? Il est, tout le monde le sent, parfaitement absurde d’ériger l’immobilité en règle absolue, et de prétendre qu’une fois entré dans une association politique, on est tenu d’y rester toute sa vie, même quand on croit qu’elle s’égare. Mais quand on appartient à un parti, il faut de graves motifs pour en changer ; et quand on en a changé, il en faut de plus graves encore pour en changer de nouveau. Supposez l’habitude d’aller et venir d’un camp à l’autre au gré de son caprice ou de son intérêt ; supposez que l’on porte aujourd’hui la majorité à droite, demain à gauche, selon qu’à droite ou à gauche on espère rencontrer moins de rivalité et plus de chances personnelles ; supposez en un mot que l’on donne au pays le spectacle d’évolutions aussi rapides qu’imprévues, et qui n’ont d’autre raison que les calculs d’une ambition impatiente ou les conseils d’un amour-propre jaloux : n’est-il pas évident qu’il en résultera deux choses fort graves, l’une que, flottant au milieu de tant d’oscillations, le gouvernement ne parviendra pas à s’asseoir, l’autre, que le pays perdra toute foi dans les hommes et dans les institutions ? Alors le