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différens systèmes astronomiques. Si quelques-uns ont cru que la terre est immobile au centre du monde, c’est qu’ils prenaient l’homme pour un personnage considérable dans l’économie de l’univers. Si d’autres au contraire ont lancé notre planète comme un vil satellite autour du soleil, c’est qu’ils avaient de la nature humaine une opinion plus modeste. On trouvera que cela ferait mieux dans les Mondes de Fontenelle que dans un Traité complet de philosophie ; mais la vérité même peut être amusante.

M. Buchez attache une grande importance à cette idée « si simple et si nouvelle en même temps. » Il l’appelle en propres termes « le complément du catholicisme. » Il ne fait aucun doute qu’une pareille découverte « n’eût épargné beaucoup de malheurs à l’humanité. » Nous avouons humblement que toutes ces découvertes sur l’origine des idées, la révélation et le criterium moral, n’ébranlent en rien notre foi à la raison et à la philosophie, et que nous sommes de ceux qui prétendent, comme dit M. Buchez, que l’homme peut faire la science par le simple usage de ses facultés. « On s’explique avec peine cette infatuation, ajoute encore M. Buchez. En effet, il suffit de tenir compte des observations que nous avons exposées dans le § VIII, p. 113. » Ainsi M. Buchez qui, pour prouver que les doctrines de M. Lamennais contiennent le panthéisme, nous renvoyait à l’étude du buddhisme, se contente de nous renvoyer à un paragraphe de son livre, pour nous guérir de notre confiance dans l’esprit humain. Ce sont, comme on voit, les deux excès opposés : là beaucoup trop, et ici beaucoup trop peu.

M. Buchez ne peut revendiquer, comme lui appartenant en propre, que la psychologie que nous venons de parcourir. Il assure, dans la préface du troisième volume, qu’il y a dans son livre « beaucoup d’autres endroits non moins remplis d’innovations ; » mais M. Buchez ne songe pas qu’il peut prendre pour innovation ce qui est tout simplement une omission du Lexicon rationale de Chauvin. Sa théorie de la proposition est une innovation pourtant ; nous avions jusqu’ici défini la proposition : l’énonciation d’un jugement ; et cette définition nous paraissait excellente, parce que nous étions tous d’accord pour désigner par le mot jugement l’acte de l’esprit qui affirme ou nie une chose d’une autre. Mais M. Buchez, qui semble réserver le mot de jugement pour la sentence que prononce un juge sur son tribunal, distingue avec beaucoup de raison des propositions de deux sortes : l’ancienne proposition, la nôtre ; puis la proposition narrative, comme celle-ci : Dieu créa le monde en six jours. Cherchez-vous la définition