Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/708

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
704
REVUE DES DEUX MONDES.

toujours ma première visite. J’y cherchai le cabinet de houblon ; mais il a disparu. Je cueillis pour vous quelques rameaux d’un vieux buis, que je suppose être un des plus anciens hôtes de cet enclos. L’on assure que l’intérieur des appartemens n’a point été changé : c’est un carreau de pièces inégales, des murs peints à la détrempe, avec des oiseaux et des fleurs imaginaires sur les impostes. À part une petite épinette, où Rousseau s’exerça sans doute bien souvent à déchiffrer la musique de Rameau, le surplus du mobilier rappelle beaucoup celui de Philémon ; mais propre et rangé comme si le maître n’était parti que d’hier. Tout ici respire la simplicité, l’innocence et le bonheur. Que de douces et tristes pensées évoque la vue de ces chaumières ! Leur histoire est celle de nos plus beaux jours ! jours trop tôt écoulés, et dont il n’est pas sage de rêver le retour !

« Le chemin que j’ai pris pour retourner à Chambéry doit être celui que suivait Rousseau en faisant sa prière du matin, et l’admirable horizon qui s’y déroule de toutes parts est bien fait pour attirer l’ame au ciel. C’est un cadre de hautes montagnes ceignant une vaste plaine variée de prairies, de vergers, de riches guérets, et que découpent en larges festons les flots capricieux de l’Isère, etc. .................. »

FRAGMENT DE LA RÉPONSE.

« ........ Surtout, cher Malgache, n’oublie pas le rameau de buis. Nous le mettrons en guise de signet dans cette vieille bible hollandaise que mon grand-père lui prêta pour composer le Lévite d’Éphraïm, et nous lèguerons ces reliques à nos petits-enfans.

« L’histoire de ces chaumières est celle de nos plus beaux jours ! Ce que tu dis là est bien vrai ! Qui de nous n’a pas vécu en imagination aux Charmettes les plus beaux jours de sa jeunesse ! Mon Dieu ! comme ce livre des Confessions nous a impressionnés ! Comme il a rempli toute une période de notre vie ! Comme nous l’avons aimé ce Jean-Jacques, avec tous ses travers et tous ses défauts ! Comme nous avons suivi chacun de ses pas dans la montagne, chacune de ses transformations dans la vie, et comme nous l’avons pleuré en lisant ses dernières pages, les plus belles qu’il ait écrites avec les premiers livres des Confessions !

« Comme nous l’avons aimé ! dirai-je. Comme nous l’aimons encore ?