des ministres avec les comptes individuels des comptables, et de déclarer solennellement s’il y a ou non conformité entre ces comptes, chargé en outre de dénoncer au roi et aux chambres les erreurs, les illégalités et les abus commis dans le maniement des fonds de l’état, est essentiellement un corps politique. L’emploi de la fortune publique est confié à sa surveillance. Il est la garantie des contribuables et l’œil des chambres. Hâtons-nous d’ajouter que ce pouvoir est remis entre des mains prudentes, et que la constitution même de la cour des comptes la rend incapable d’abuser des armes puissantes qui lui sont confiées. L’esprit de ce corps est naturellement sage. Des hommes qui pour la plupart ont vécu long-temps dans les affaires, qui connaissent la loyauté, la probité, le zèle de l’administration, qui ont vu de près les difficultés immenses de son travail et qui ont senti le poids de sa responsabilité, sauront toujours distinguer l’erreur de la faute. Ils n’accuseront jamais que des coupables.
Chose singulière, au moment même où la cour des comptes recevait, en 1838, le code qui publie ses droits et ses devoirs, un débat s’élevait sur le fondement même de ses attributions ; un principe aboli ou abandonné depuis vingt ans était remis en vigueur par l’administration, et ce principe, combattu aussitôt par la cour des comptes, est devenu l’objet de cette question dont nous avons parlé, et qu’il nous est facile d’expliquer maintenant : question grave qui tôt ou tard occupera les chambres et le public. Si la cour succombe dans la lutte, si le principe invoqué contre elle est maintenu dans sa rigueur, tout ce que nous venons de dire sur les progrès de la cour des comptes, sur les garanties qu’elle offre aux citoyens, sur le rôle que notre constitution lui donne, tout cela est un mensonge : la cour des comptes n’est plus un pouvoir judiciaire et politique, c’est un bureau de chiffres, qui ne vérifie que des chiffres, et dont l’autorité morale est annulée.
Voici la question dont il s’agit. On a vu qu’aux termes du règlement de 1822, toute ordonnance ou mandat de paiement présentés aux caisses du trésor doivent être accompagnés de pièces constatant que leur effet est d’acquitter, en tout ou en partie, une dette de l’état régulièrement justifiée. En vertu de ce principe, conforme aux institutions de notre temps, la cour des comptes, depuis l’ordonnance de 1822, a toujours exigé des comptables la production des pièces justificatives de leurs paiemens. La plupart du temps, elle a exigé les pièces indiquées dans les formules ministérielles ; mais lorsque ces formules lui ont paru insuffisantes, lorsqu’elle les a trouvées muettes,