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faire produire les pièces qui justifient à ses yeux la légalité et la régularité des paiemens, c’est enchaîner sa conscience. Comme le dit le rapport au roi, c’est frapper la justice elle-même, car il n’y a point de justice là où l’examen n’est ni libre ni complet. Invoquer l’article 18 du décret de 1807, c’est faire revivre un droit auquel le pouvoir a formellement renoncé ; c’est contredire les termes de l’ordonnance de 1822 et changer tout le système de la comptabilité ; c’est entraver l’exécution de l’ordonnance de 1826 et de la loi de 1832, qui demandent à la cour des déclarations solennelles et un rapport public. L’article 18 du décret de 1807 est en opposition avec tous les principes de notre gouvernement. Il est contraire aux intérêts même de l’administration, qui le défend à peine, car il répugne à sa droiture. Peu nuisible jusqu’à présent, il peut devenir un danger grave. Si donc il est encore applicable, si l’ordonnance de 1822 et toutes les règles du gouvernement représentatif ne l’ont pas abrogé, c’est un mauvais principe qu’il faut effacer de nos lois. Tel est d’ailleurs l’avis de plusieurs jurisconsultes éminens, et entre autres de M. Dupin, qui s’est montré dans tous les temps un défenseur énergique de l’institution de la cour des comptes. Nous rappelons les propres paroles de M. Dupin prononcées à la tribune le 10 avril 1828 : « Il ne manque à la libre action de la cour des comptes que l’abrogation de l’article 18 de la loi du 16 septembre 1807, qui lui prescrit de s’arrêter au pour acquit des porteurs de certaines ordonnances, sans lui permettre de vérifier si ces attributions de deniers publics en formes mystérieuses trouvent leur justification au budget. »

La question que nous venons d’examiner est soulevée pour la seconde fois par la cour des comptes dans son dernier rapport au roi. M. d’Audiffret lui consacre un chapitre de son excellent livre, et la décide en peu de mots avec toute l’autorité de son savoir et de ses lumières. Il est inutile d’ajouter que l’honorable pair met dans sa discussion la réserve qui convient à sa position élevée et à sa profonde estime pour les pouvoirs publics qui sont en cause dans ce débat. On lira avec fruit, sur cette même question, une brochure de M. Eugène Goussard[1]. Cette brochure, qui a paru l’an dernier, embrasse un sujet très vaste. L’auteur cherche à démontrer que le droit attribué à l’autorité administrative de réformer les arrêts de la cour des comptes pour violation des formes ou de la loi est inconsti-

  1. Chez Schneider et Langrand, rue d’Erfürth, 1. (De la Cour des Comptes et du Conseil d’État.)