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Aussi son mécontentement fut vif. Il ordonna aux deux partis de se taire et de ne plus troubler les esprits par leurs opinions. Dans une lettre adressée tout à la fois à Arius et à Alexandre, il donna tort à tous deux, à l’un pour avoir soulevé une question insoluble, à l’autre pour avoir voulu y répondre. Toutes ces controverses, ajoutait-il, étaient vaines et frivoles ; elles ne méritaient pas tant de bruit. D’ailleurs ces discussions empêchaient l’empereur d’exécuter son projet de visiter la Syrie et l’Égypte, car il ne voulait pas être le témoin d’aussi déplorables discordes.

C’était la colère d’un homme politique. Comment ! le christianisme se divisait et se discréditait au moment où le maître du monde lui tendait la main pour le faire monter au trône ! Les païens étaient encore puissans ; ils murmuraient, ils frémissaient, et les chrétiens leur rendaient l’espérance par le spectacle de leurs contradictions et de leurs luttes ! Constantin avait raison, comme homme d’état, de condamner l’inopportunité d’un pareil schisme ; mais, au point de vue du chrétien, il avait tort de déclarer frivole la question qu’agitaient l’un contre l’autre Arius et Alexandre. On voit que le néophyte impérial était encore bien neuf dans les matières théologiques, et l’on reconnaît là le chrétien temporisateur qui attendit l’heure de la mort pour recevoir la grace efficace du baptême.

Mais les guerres de doctrines et d’idées ne s’apaisent pas au commandement de l’autorité politique, et, comme le raconte l’historien Socrate, ni Arius ni Alexandre ne se laissèrent persuader par la lettre de l’empereur. D’ailleurs, cette question que Constantin réputait futile n’était pas autre chose que le fondement même de la foi chrétienne. Il s’agissait de savoir, comme le dit un historien moderne de l’église, si Jésus-Christ était dieu ou créature, et si tant de martyrs avaient été idolâtres en adorant une créature, ou s’ils avaient adoré deux dieux, supposé que Jésus étant dieu, ne fût pas le même dieu que le père. Nous ajouterons, pour poser la question en d’autres termes et sous un autre aspect, qu’il s’agissait de savoir si la philosophie reprendrait par une voie détournée tout le terrain qu’elle avait perdu, et si l’Évangile se trouverait n’être plus qu’une traduction populaire de l’idéalisme platonicien.

Voilà quel était l’intérêt décisif, quand Constantin, sur l’avis de plusieurs évêques, rassembla un concile pour résoudre une question qu’il ne pouvait trancher lui-même. On peut dire qu’avant la première séance tenue à Nicée, la solution était décrétée d’avance dans l’esprit de la majorité des pères. Il y eut environ trois cent dix-huit