Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/842

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
838
REVUE DES DEUX MONDES.

C’est que le nouveau Testament est souvent le reflet de l’ancien, c’est qu’il y avait dans les livres sacrés, dans les traditions et l’esprit du peuple juif, un type idéal du Messie, et que le travail de ceux qui ont écrit sa vie a consisté à la remplir de toutes les circonstances et de toutes les particularités merveilleuses qui étaient dans l’imagination de la nation juive. Il y a donc dans la vie traditionnelle du Christ une partie historique et une partie mythologique.

Quelle est la conséquence de cette manière nouvelle de considérer les choses ? C’est que la partie historique du christianisme perd beaucoup de son importance, tandis que sa partie idéale brille d’un éclat toujours pur. Tout ce qui tient à l’histoire de la religion est rejeté sur le second plan ; les faits de la tradition sont comme un rêve dont le passé a gardé le souvenir ; ils peuvent charmer l’imagination, mais ils ne participent pas à l’essence même des idées qui sont éternelles. L’esprit cherche donc les véritables fondemens du christianisme non pas dans l’histoire, mais dans la pensée, ou plutôt l’histoire devient une déduction de ce que l’intelligence conçoit à priori, parce que l’esprit est convaincu que tout ce qui est rationnel et nécessaire doit passer dans la réalité.

Il y a des degrés dans le mouvement philosophique de notre siècle. Tous les esprits ne sont pas à la même hauteur dans la contemplation des choses religieuses, mais il y a une disposition générale à chercher surtout dans le christianisme un système moral et rationnel. Les uns donnent de la trinité une explication logique et ne font plus, des trois personnes divines, que trois faces de l’être dans Dieu et dans l’homme : voilà pour la métaphysique. D’autres cherchent surtout dans le christianisme un système social, un idéal politique, et le Christ est pour eux le plus illustre des démocrates.

Par cette double tendance, l’arianisme est à la fois victorieux et transformé ; toutes les opinions dominantes du siècle impliquent son triomphe, et en même temps, comme la question n’est plus posée d’une façon directe et irritante, les passions se sont apaisées. Aujourd’hui la religion et la philosophie ne cherchent pas à se détruire, mais à se pénétrer ; elles aspirent à exercer l’une sur l’autre une influence qui lui subordonne sa rivale : c’est un nouvel aspect dans la lutte des idées. Entrez dans les églises, vous entendrez les prédicateurs de la foi chrétienne traiter de matières philosophiques : ils parlent de la nature des choses, des lois de la raison humaine ; c’est de la métaphysique oratoire. Ouvrez les livres des philosophes, vous les trouvez dissertant sur l’incarnation et la trinité : c’est de la théo-