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Mariage sous Louis XV. Rien qu’à examiner la façon et la mise en train, on pourrait deviner la main du faiseur. Si on peut reprocher à M. Dumas de trop négliger l’exécution de ses plans, d’ébaucher plutôt que d’arrêter le style de ses drames, on ne saurait lui contester sa supériorité dans cette science délicate de l’agencement d’une pièce, où M. Scribe est un maître. N’a-t-il pas trop compté dessus cette fois, et les ressorts n’eussent-ils pas mieux joué encore en se resserrant ? Quelques longueurs, en un mot, n’auraient-elles pu disparaître, et, grace à une recherche plus assidue de la concentration, le succès mérité qu’a obtenu la comédie de M. Dumas n’aurait-il pas été plus franc, plus complet ? Quoi qu’il en soit, l’ensemble élégant et spirituel a fait oublier les imperfections de détail. On a applaudi la pièce nouvelle, et on y reviendra. En ces temps d’affaissement littéraire, c’est quelque chose qu’une œuvre heureusement et facilement venue, qui délasse l’esprit fatigué de tant d’essais maladroits et d’avortemens laborieux.

Quelques jours après la première représentation de cette comédie, jouée, n’oublions pas de le dire, avec beaucoup de grace et de distinction, le Théâtre-Français a repris Hernani, le plus lyrique, sinon le plus complet des drames de M. Hugo. C’est toujours un sujet d’étude intéressant que l’attitude du public, en présence de cette œuvre dont l’apparition souleva autrefois tant d’orages et de rumeurs. Rien n’égale le calme, l’attention bienveillante et soutenue avec laquelle on écoute aujourd’hui ce drame plein de sève poétique, et « merveilleux comme un conte. » La reprise de l’Amphitryon, une des plus charmantes comédies de Molière, a suivi de près la reprise d’Hernani. Ainsi, le vieux répertoire côtoie sans cesse le nouveau. C’est assurément un des plus beaux priviléges du Théâtre-Français de pouvoir sans cesse placer, comme un vivant commentaire en regard des efforts parfois heureux du présent, les travaux glorieux et accomplis du passé.


— Ce n’est certes pas nous qui nous élèverons contre toute tentative ayant pour but d’introduire sur notre scène les chefs-d’œuvre étrangers ; Goethe, Schiller, Shakespeare, comme Weber, Mozart, Cimarosa, doivent, à notre sens, régner à côté des noms dont nous avons droit de nous enorgueillir. L’art n’admet pas de distinction dans la sphère élevée qu’il habite ; son divin langage, qu’il se traduise en strophes cadencées, en mélodies harmonieuses, ne s’adresse qu’à l’intelligence, à la sensibilité humaine, n’exalte que le sentiment idéal, et lie dans une même chaîne fraternelle les heureux esprits qu’il a marqués au front. Mais autant la mission de faire connaître dans toute leur pureté les œuvres des maîtres nous semble louable et digne d’encouragemens, autant elle nous paraît sacrilége lorsqu’elle ne sert de prétexte qu’à dénaturer leur pensée, et à briser le moule d’où leur inspiration est sortie d’un seul jet.

Des trois partitions laissées par Weber, M. Berlioz a traduit Freyschütz, la seule qui fût parfaitement connue en France, et dont les proportions d’opéra comique ne pouvaient convenir à la scène où l’on voulait la produire. Des