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Bacon a été sans doute un des plus beaux génies qui aient brillé sur la terre, cependant on n’a compris toute l’importance de ses ouvrages que lorsque la révolution qu’il voulait produire s’était accomplie déjà dans la philosophie naturelle. Les physiciens, les géomètres, obligés de résister aux attaques et aux persécutions des péripatéticiens, crurent pendant long-temps que la philosophie rationnelle leur serait toujours hostile, et c’est peut-être là une des causes qui les ont éloignés de Bacon. Galilée se garda d’exposer son système d’une manière abstraite, et se borna à déclarer qu’il n’y avait d’autre livre infaillible que la nature, où toute la philosophie était écrite en caractères mathématiques. Ce fut un grand trait d’habileté de sa part, voulant combattre les scholastiques, d’opposer l’univers à leurs livres, au lieu d’attaquer l’autorité par l’autorité.

Les services immenses rendus par Galilée à la philosophie ont été proclamés dans la patrie même de Bacon. Il suffira, à cet égard, de citer Hume, historien subtil et philosophique, qui a déclaré sans hésitation que Galilée était supérieur à Bacon, et que le philosophe anglais doit principalement sa gloire à l’esprit national de son pays ; car, plus heureuse que l’Italie, l’Angleterre peut protéger les hommes illustres pendant leur vie, et les honorer librement après leur mort.

Galileo Galilei naquit à Pise le 18 février 1564, d’une famille de Florence qui avait figuré autrefois sous la république, mais à laquelle il ne restait plus qu’une noblesse sans fortune. Vincent Galilei, son père, était instruit dans les littératures grecque et latine, et, très versé dans la musique pratique et théorique, sur laquelle il a fait paraître des ouvrages estimés. Soit qu’à l’époque de la naissance de son fils il se trouvât à Pise pour y exercer le commerce, soit, comme quelques écrivains l’ont affirmé, qu’il occupât dans cette ville un emploi du gouvernement, il n’y fit qu’un court séjour et retourna promptement à Florence, où il devint père de plusieurs autres enfans. C’est à Florence que Galilée fut élevé. Il montra dès son enfance une grande disposition pour la mécanique, et on le voyait sans cesse occupé à construire des modèles de machines.

Son père, qui voulait l’appliquer au commerce, commença cependant par lui faire apprendre le latin sous la direction de Jacques Borghini, maître inhabile dont la médiocrité n’empêcha pas l’élève de faire de rapides progrès. Galilée étudia les classiques latins ; il s’appliqua ensuite au grec, et devint ainsi par ses propres efforts très habile dans les langues d’Athènes et de Rome. De telles études lui furent d’une grande utilité dans la suite : elles contribuèrent sans