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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/13

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EUSTACHE LESUEUR.

tions qui prouvent l’impossibilité où se seraient trouvés les historiens de distinguer les uns des autres tous ces peintres du second ordre, s’ils eussent voulu les classer d’après leurs œuvres ; ils ont choisi ce qu’il y a chez eux de plus caractéristique, le lieu de leur naissance.

Ainsi, les divins créateurs de la peinture italienne ont à peine cessé de vivre, que leur création s’altère et se décompose ; leur noble semence produit des fruits bâtards ; tout ce qu’il y avait en eux d’exquis, de céleste, d’immortel, s’évanouit et disparaît avec eux. Le plus pur de tous, celui dont les exemples devaient être sacrés, dont le souvenir devait être un culte, Raphaël, que reste-t-il de son style, de ses leçons, quelques années après sa mort ? Son disciple favori, Jules Romain, n’est-il pas immédiatement surpris en flagrant délit d’infidélité et d’oubli ? Est-ce l’image de son maître qu’il avait devant les yeux, est-ce à son influence qu’il obéissait, quand il promenait si cavalièrement son pinceau sur les murs des palais de Mantoue ? Je ne parle pas de ces tons de chair couleur de brique, de ces teintes noirâtres, de ces ombres outrées, ce sont chez lui de vieilles habitudes ; mais pourquoi ces tours de force, ces attitudes tourmentées, ces compositions confuses, ces expressions grimaçantes ? Qui pourrait deviner, sauf dans quelques ravissans détails d’ornementation, qu’il y a dix ans cet homme passait sa vie dans la contemplation des types de la plus suave beauté, que l’étude de la nature et de l’antique était sa loi, sa religion ? Et les autres élèves bien-aimés, le Fattore, Perino del Vaga, ne se hâtent-ils pas aussi de répudier l’héritage du maître ? Ne dirait-on pas qu’ils sont pris d’horreur pour tout ce qui ressemble à la grace et à la beauté ? Ne se jettent-ils pas avec passion dans ce genre exagéré et théâtral contre lequel ils devaient être si bien aguerris ?

Il est vai que le maître lui-même, dans les derniers momens de sa trop courte vie, leur avait donné un dangereux exemple. Le doute était entré dans son ame : cette image de la beauté simple et primitive, que jusque là il avait adorée avec la ferveur d’un croyant, il commençait à la regarder d’un œil presque hérétique. Tout en protestant contre les novateurs, il se lançait, bien qu’avec prudence, dans la voie des innovations. Comment ses successeurs se seraient-ils faits les champions de son style et de ses préceptes, lorsque lui-même avait donné le signal de la désertion ? Et le vieux Léonard, cet austère gardien des traditions du siècle passé, n’avait-il pas aussi, avant de quitter l’Italie, fait quelques petites infidélités à sa propre école ? Son fameux carton de Florence était, dit-on, un chef-d’œuvre,