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et jadis abandonnés par les Égyptiens qui exploitaient les carrières voisines. Le nom d’Hammamât (les bains) vient probablement de ces cuves, prises pour des baignoires par les Arabes. Il y en a une autre beaucoup plus grande et de forme carrée, abandonnée sur le chemin. Le puits de l’Hammamât est de construction en apparence nouvelle, nulle dégradation notable ne s’y fait remrarquer ; mais, eu égard au climat et à l’isolement de la route, on peut croire qu’il a été seulement réparé à une époque peu reculée, et qu’il existait dès la plus haute antiquité, comme l’indique le voisinage des carrières, dont l’exploitation entretenait sur ce point une population permanente d’ouvriers. C’est de ces carrières que sont sortis tous les sarcophages, statues, chapelles et autres monolithes de basalte si fréquens en Égypte et dans nos collections d’Europe ; je citerai particulièrement les nombreuses caisses de momies trouvées dans la nécropole de Memphis et appartenant à l’époque de Psammétik, dont on lit le nom dans les carrières en question parmi les noms d’autres rois d’Égypte, mais ceux-là si anciens, qu’on n’a pu encore les classer dans l’immense série chronologique des Pharaons.

Les carrières, ou plutôt la partie à ciel ouvert exploitée par les anciens, bordent la route entre l’Hammamât et Foakhyr, à une lieue et demie environ du puits dont je viens de parler. C’est là qu’on trouve, gravées sur les rochers, des inscriptions hiéroglyphiques et des noms royaux de toutes les époques, des hommages au dieu Ammon-Générateur, patron du lieu, et des inscriptions grecques, courtes, mais assez nombreuses, tracées en l’honneur d’Ammon, d’Isis, de Sérapis et autres divinités égyptiennes.

Ce lieu était le but essentiel de mon voyage, mais je ne pus m’y arrêter long-temps, car l’eau et le pain allaient me manquer. Nous étions au cinquième jour et à deux journées seulement de Qosseyr. Rétrograder, c’eût été manquer mon but d’abord, et exposer ma caravane à mourir de faim à moitié route ; je me bornai donc à prendre copie de quelques inscriptions, et je me dirigeai sur Qosseyr. J’eus occasion de reconnaître, en chemin, les traces nombreuses d’exploitation laissées par les anciens ; on les aperçoit de distance en distance, sur un espace de plusieurs lieues, jusqu’à un détour de la vallée nommée Foakhyr. Sur ce point, à en juger par les amas de fragmens travaillés et de pièces manquées de tous genres qu’on y retrouve, la variété des roches offrit aux anciens un choix de matériaux dont ils profitèrent, le granit aux nuances variées, le basalte-serpentin gris et vert, et une brèche verte de la plus belle pâte.