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se réfugièrent beaucoup de royalistes. Leur sécurité à venir se trouva liée au maintien de la charte et au salut du trône de doña Maria. Dans les premiers temps de la régence de l’infante Isabelle, presque tous les membres de la haute aristocratie, attirés par la pairie, parurent disposés à admettre la forme nouvelle de gouvernement, et si deux ans après un si grand nombre se montra peu dévoué, cela tint à des circonstances nouvelles et provint de ce que le danger, pour le commun des ames, change le point de vue.

C’est une chose digne de remarque dans la filiation des partis : les héritiers des familles persécutées par le marquis de Pombal furent plus tard victimes de leur attachement aux idées libérales. L’esprit d’indépendance se perpétua dans ces familles, tout en changeant d’objet. M. de Palmella lui-même, que le penchant naturel de son esprit attirait vers les principes nouveaux, avait été sans doute profondément ému, dans sa jeunesse, par le récit des souffrances d’une mère qui défendit avec un si tendre courage la fidélité de l’amour qu’elle avait voué à M. de Souza, plus tard son époux. Elle ne craignit pas, presque enfant, de résister ouvertement aux violences du marquis de Pombal, qui prétendait l’unir à son fils. Beaucoup de grands seigneurs libéraux étaient parens ou alliés des Tavoras et de ceux qui périrent dans la grande exécution de 1759. Le général Saldanha, au contraire, était petit-fils du marquis de Pombal, et cette différence d’origine entra peut-être pour plus qu’il ne le sut lui-même dans la position exceptionnelle qu’il occupa long-temps au milieu du parti le plus exalté.

Dans le nord, aussitôt après l’abdication de don Pedro, la promulgation de la charte donna des soldats à l’intrigue apostolique, et quelques paysans, excités par des moines et des officiers en retraite, proclamèrent don Miguel roi absolu. Le général Soldapha, commandant de Porto, comprima ce mouvement par sa vigoureuse activité. Un soulèvement de la même nature éclata dans les Algarves. Le général Saldanha, devenu ministre de la guerre, et le comte d’Alva, commandant de la province, parvinrent également à étouffer cette insurrection. Les rebelles se réfugièrent en Espagne, et des émeutes partielles eurent ensuite lieu sur plusieurs points de la frontière. Elles furent successivement vaincues ; mais à chaque insurrection nouvelle des portions de régimens et des corps entiers quittaient le Portugal et cherchaient un refuge en Espagne. Le gouvernement du roi Ferdinand donnait des armes, des chevaux, des munitions aux déserteurs ennemis de la constitution. Un grand nombre de libéraux espagnols se réfugiaient également en Portugal, et la guerre semblait devoir être à la fois civile et étrangère. Le marquis de Chaves, à la tête de six mille hommes, pénétra dans la province de Tra-os-Montes, et d’autres chefs plus obscurs envahirent l’Alemtejo et les Algarves. La position du gouvernement portugais, devenu constitutionnel sans le savoir, et qui devait dans peu d’années remettre le pouvoir entre les mains des absolutistes, n’était plus tolérable. Les intrigues se multipliaient dans tous les sens ; l’administration, en général modérée, mais toujours faible, subissait tous les inconvéniens des clubs, sans même avoir, comme en 1820, leur dange-