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le commerce, les plus aventureuses expéditions maritimes, en un mot tout ce qui peut satisfaire le besoin d’une activité incessante. Ralliée au drapeau du prophète, la race malaye acquit une unité qui lui avait manqué jusqu’alors. L’Alcoran constitua sa nationalité.

La ville de Malaca, fondée à l’extrémité sud-est de la péninsule de ce nom, vers la seconde moitié du XIIIe siècle, remplit, pendant cette nouvelle période, le même rôle de prédominance intellectuelle et religieuse qui avait été le partage des différentes capitales de l’empire javanais jusqu’à la destruction de Madjapahit. Son code servit de régulateur à toutes les populations de l’archipel d’Asie, son port devint le centre d’un commerce considérable[1]. Le goût des arts et de la littérature régnait à la cour des monarques malays. Au rapport des écrivains portugais, leurs cendres reposaient dans des tombeaux dont l’architecture était d’une rare magnificence. La plupart des compositions historiques et des poèmes malays qui nous restent aujourd’hui datent de cette époque. Mais, après deux siècles à peine d’existence, la ville de Malaca tomba entre les mains des Portugais, et la civilisation dont elle avait été le berceau, ayant perdu tout centre d’unité et de force, ne cessa d’aller en déclinant. Juger le peuple parmi lequel cette civilisation prit naissance et se développa avec un grand éclat en si peu de temps, par l’état de barbarie et de décadence dans lequel il est plongé aujourd’hui, c’est vouloir retrouver les Grecs du siècle de Thémistocle et de Léonidas dans les misérables forbans qui infestent les mers de l’archipel dans la Méditerranée.

Parmi les Javanais, les doctrines de Mahomet se répandirent très lentement, et aujourd’hui même, depuis quatre siècles qu’elles leur sont connues, elles n’ont pénétré que d’une manière très superficielle dans les habitudes de leur vie intime.

Les différences que présente l’action de l’islamisme sur la civilisation des Malays et des Javanais se reproduisent dans les langues de ces deux peuples et dans les monumens de leur littérature. Les premiers ont adopté un très petit nombre de mots arabes, qui s’écrivent même très difficilement avec leurs caractères nationaux, tandis que les seconds ont pris non-seulement la nomenclature religieuse musulmane, mais encore plusieurs mots de l’arabe usuel, ainsi que les caractères avec lesquels il s’écrit.

  1. Marco Polo, liv. III, chap. IX, éd. Marsden. — De Vita et Gestis S. Francisci Xaverii e soc. Jesu, lib. II, p. 79, a Daniel Bartoli.