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bien imparfaite, car une version ne saurait rendre toutes les beautés de cette poésie kawi, dont la langue a tant de richesse et d’énergie, dont le mètre est si savant et si varié, le rhythme si harmonieux et si grandiose.

DÉBUT DU BRATA YOUDHA

Stance 1. — Ce que le brave demande aux dieux dans la guerre, c’est d’écraser ses ennemis, de voir les chevelures des chefs que sa main a abattus dispersées comme les fleurs qu’agite le vent, de déchirer leurs vêtemens, de brûler leurs autels et leurs palais, de faire hardiment voler leurs têtes lorsqu’ils sont assis sur leurs chars de guerre, et, par ces exploits, de mériter une renommée éclatante.

2. — Tels étaient les vœux que formait Djaya Baya en s’adressant au trois mondes, pour en obtenir des succès dans la guerre ; tels étaient les projets que son ame nourrissait contre ses ennemis. Le nom et la puissance de ce prince devinrent célèbres dans l’univers entier : il était l’objet des louanges de tous les gens de bien et des quatre classes de pandits.

3. — Le seigneur des montagnes descendit accompagné de tous ses pandits, et le roi s’approcha de lui avec respect et un cœur pur. Le dieu fut satisfait et lui dit : Djaya Baya, ne crains rien ; je ne viens pas à toi avec colère, mais pour t’investir, suivant tes désirs, de la puissance de la conquête.

4. — Reçois ma bénédiction, ô mon fils ! et écoute ma voix. Dans la contrée que tu habites, tu deviendras le chef de tous les princes qui en sont les maîtres ; dans les combats tu seras toujours vainqueur. Sois ferme et sans crainte, car tu seras comme un Batara (dieu incarné). Cette prédiction, prononcée avec solennité, fut conservée dans la mémoire de tous les saints pandits du ciel.

5. — Après ces paroles, le dieu disparut. Les ennemis du roi, dominés par la crainte, se soumirent à lui. Toutes les contrées de son empire étaient tranquilles et heureuses. Le voleur se tint au loin, intimidé par sa vigilante sévérité. L’amant seul commit ses larcins amoureux, cherchant l’objet de sa tendresse à la clarté de la lune.

6. — Ce fut à cette époque que Pouséda rendit mémorable l’anagramme qui sert de date à ce poème[1], dans le temps où l’éclat des exploits de Djaya Baya brillait comme la splendeur du soleil à la troisième saison, et où sa pitié envers ses ennemis vaincus était douce comme les rayons de l’astre des nuits ; car, dans la guerre, il traitait ses ennemis avec cette générosité que le roi des animaux montre pour sa proie.

7. — Alors Batara Sewa vint et dit au poète : — Chante la guerre des enfans de Pandou contre les fils de Kourou.

  1. Cet anagramme se compose de quatre mots, qui peuvent être pris indifféremment comme ayant une valeur numérale ou comme exprimant une pensée.