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LITTÉRATURE DE L’ARCHIPEL D’ASIE.

100. — Auprès de Palgouna[1] se trouvaient Aria Nakoula avec Sedewa, montés sur un char d’émeraude d’un travail exquis, beaux tous deux comme deux êtres célestes, tous deux brûlant d’en venir aux mains avec les jeunes guerriers d’Astina. Leur bannière flottait dans les airs comme un nuage chargé de pluie, et répandait les pétales de mille fleurs odoriférantes. Ils étaient prêts à frapper comme la foudre avant que l’éclair brille. On eût dit, à les entendre marcher, le bourdonnement d’un essaim d’abeilles allant chercher leur nourriture.

101. — Aria Outara suivait lentement avec Soïta, montés aussi sur un char de guerre et accompagnés de Drasta Drioumma et de Droupada, qui avait Sikandi à ses côtés. Sous leurs ordres était une quantité innombrable de chars, d’éléphans et de chevaux, qui portaient les guerriers et couvraient la terre au loin. Tous étaient animés comme des poissons lorsqu’une fraîche ondée est venue les raviver.

102. — À leur suite, on voyait Droupadi portée sur un palanquin d’or et ombragée d’un payong de plumes de paon ; elle ressemblait à une déesse représentée par une image d’or. Sa longue chevelure flottait au gré des vents et descendait sur ses épaules comme un nuage bas, présage d’une pluie de sang. Cette princesse avait sans cesse à la mémoire le vœu qu’elle avait fait de n’attacher les boucles de sa chevelure en désordre que lorsqu’elle se serait baignée dans le sang de ses ennemis.

103. — Derrière elle était Darma Sounou, monté sur un éléphant blanc et dans un riche costume. Son poustaka (livre) était de couleur jaune, et l’étui qui servait à le renfermer était de l’or le plus pur. Il allait criant qu’il voulait immoler de sa main Salia, le plus brave guerrier ennemi, et que, lorsqu’il levait son poustaka comme une arme (enchantée), aucun héros ne pouvait l’égaler en force et en courage.

104. — Non loin de là, Krischna, porté sur un char d’or et abrité par un payong blanc, conduisait l’arrière-garde, formée des princes les plus âgés et des troupes royales ; auprès de lui étaient son tchakra[2] et sa conque. Les princes qui faisaient partie de son cortége étaient sur des éléphans blancs dont les cris aigus se mêlaient aux bruits discordans qui s’élevaient de tous côtés.

105. — Après Krischna, on voyait Bimanyou, le fils d’Ardjouna, couvert d’armes étincelantes, et monté sur un char enrichi de pierres précieuses ; il agitait son tchakra entre ses mains. Auprès de lui était Satiaki, sur un éléphant, et à la tête de nombreux guerriers revêtus d’habits tout brillans d’or qui faisaient l’admiration de tous ceux qui les voyaient.

106. — Pantchawala et Witia, guerriers de la famille des Pandous, s’avançaient à leur tour, richement équipés et assis sur un char orné de pierres précieuses et de fleurs d’or. Leurs vêtemens étaient de la toile la plus fine et

  1. Surnom d’Ardjouna, qui signifie le héros au pouce fort.
  2. Arme de jet, ronde et tranchante.