Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
357
DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

ministres membres de la chambre des communes. En proposant de modifier la taxe à l’importation du blé, et en y joignant quelques changemens sur la taxe du sucre et du bois de construction, on avait le double avantage de présenter un budget en équilibre et de regagner par tout le pays le concours ardent des radicaux. À la vérité, on risquait d’y perdre quelques adhérens plus dévoués à l’intérêt agricole ou colonial qu’au ministère ; mais dans les rangs des tories il existait, en revanche, quelques ennemis de la loi des céréales et quelques partisans de la liberté du commerce. Ne pouvait-on pas espérer qu’on obtiendrait leur appui momentané, et qu’il y aurait compensation ?

En supposant, au reste, que ce plan ne fût pas définitivement arrêté, l’évènement singulier dont j’ai parlé, la coalition des tories et des chartistes à Nottingham, dut, ce me semble, dissiper toutes les incertitudes et lever tous les doutes. Que l’exemple de Nottingham fût imité, et la force des tories recevait aux prochaines élections un notable accroissement. Il importait donc de rompre à tout prix un accord si dangereux, et de rendre aux réformistes de toute nuance un intérêt commun. Pour cela, quoi de meilleur que la réforme de la loi des céréales, de cette loi si injuste, et dont les radicaux, depuis tant d’années, demandaient vivement l’abrogation.

Maintenant, cette tactique du ministère est-elle, comme on l’a prétendu, odieuse et criminelle ? Pas le moins du monde, à mon sens. Sans doute lord John Russell et ses collègues seraient coupables si, dans une pure combinaison de parti, ils avaient tout d’un coup adopté des mesures mauvaises, selon eux, et contraires aux intérêts du pays ; mais, en admettant que telle soit la conduite de lord Melbourne, ce n’est certes celle ni de lord John Russell, ni de M. Macaulay, ni de M. Baring, ni de M. Labouchère, qui, en 1840, lorsque M. Villiers proposa de modifier la loi des céréales, votèrent tous avec lui. Ce qui les empêchait alors de prendre eux-mêmes l’initiative de cette mesure, c’étaient de pures considérations politiques. Comment s’étonner dès-lors que, l’année suivante, d’autres considérations politiques aient pu leur inspirer une autre résolution ? Quant aux publicistes anglais ou français qui, tout en approuvant au fond les mesures, font un crime au ministère d’avoir, en les proposant, excité les passions et propagé l’agitation, il n’y a rien à leur répondre, si ce n’est qu’ils comprennent étrangement le gouvernement représentatif et ses conditions. Qu’on cite dans un pays libre un grand parti, gouvernement ou opposition, qui, lorsqu’il croit y trouver son