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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/375

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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

Quoi qu’il en soit, il paraît à peu près certain qu’après le rejet du bill des électeurs irlandais, les ministres hésitèrent à garder le pouvoir et à jouer leur va-tout. Ce fut, dit-on, la reine elle-même qui les y décida. Elle en avait le droit constitutionnel, et jamais, quoi qu’en disent certaines correspondances conservatrices, personne en France n’a imaginé qu’il fût interdit à la couronne d’avoir une opinion, et de chercher à la faire prévaloir par un appel au pays. Personne aussi ne nie qu’un tel appui ne soit une grande force, et que le ministère ne puisse en user à ses risques et périls. Que les journaux whigs et radicaux répétassent donc chaque jour que la reine était pour les whigs contre les tories, pour le peuple contre l’aristocratie, pour la liberté commerciale contre le monopole, pour le pain à bon marché contre le pain à haut prix, rien de plus simple, si les journaux whigs et radicaux pensaient que cela pût faire quelque effet ; mais que, ne s’arrêtant pas là, les journaux radicaux et whigs aient supplié le peuple de venir au secours de la reine menacée dans ses affections privées et dans son bonheur domestique, qu’ils aient invoqué contre la prétendue tyrannie de sir Robert Peel les sentimens loyaux et chevaleresques de la nation, qu’ils aient osé enfin, comme en 1839, appeler à leur aide les dames du palais, et convertir une grande question politique en une question de camarilla, voilà ce qui paraît indigne d’une opinion qui plus que tout autre se dit libérale et constitutionnelle. Quand en 1839 la reine refusa de donner à sir Robert Peel l’autorité qu’il réclamait sur sa maison, elle pouvait le faire sans manquer au principe parlementaire, puisque sir Robert n’avait point encore la majorité dans le parlement. Une fois sir Robert Peel définitivement maître de cette majorité, la reine n’oubliera pas les principes qui ont porté sa famille sur le trône, et, si sir Robert Peel insiste, elle se soumettra.

Chambre des communes, chambre des pairs, reine ou roi, tous d’ailleurs en Angleterre, comme en France, ont un arbitre souverain, dont le jugement est sans appel. Laissons donc la chambre des communes, la chambre des pairs, la reine, et parlons du pays. Pour bien juger de la marche de l’esprit public en Angleterre depuis quatre ans, il faut comparer la chambre nouvelle non à la chambre telle que des réélections partielles l’avaient déjà modifiée, mais à la chambre telle qu’elle fut élue en 1837, au moment de l’avénement de la reine. Or, d’après les statistiques les plus exactes, voici quelles étaient alors les forces respectives des partis :