Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
REVUE DES DEUX MONDES.

d’eux. Son point de départ avait été le Caravage, puis il avait éclairci ses teintes en étudiant le Guide, et enfin il avait cherché à les échauffer à l’exemple de Paul Véronèse, pour lequel étaient ses plus intimes affections. Son pinceau facile et abondant l’avait promptement rendu célèbre à Rome, à Venise, et surtout à Gênes.

Le roi Louis XIII, dont il était déjà le pensionnaire, lui donna l’ordre de quitter l’Italie et de venir occuper la charge de premier peintre, encore vacante, je crois, depuis la mort de Freminet. Parmi les nombreux talens de Vouet, on citait celui de peindre avec adresse le portrait au pastel ; or, le roi, qui s’exerçait déjà dans ce genre, avait résolu, d’après les conseils du cardinal, d’en faire une étude plus approfondie, et c’était à Vouet qu’il réservait l’honneur de lui servir de guide.

Le premier peintre prit possession de sa charge en 1627. Un logement lui fut donné dans les galeries du Louvre. Ce n’était que le prélude des biens et des faveurs qui allaient pleuvoir sur lui.

On ne s’imaginerait jamais l’admiration sincère et prolongée qu’excita cette façon de peindre, où se trouvaient fondus et mariés avec une certaine fraîcheur les différens styles dont l’Italie était alors si fière. C’est chose assez triste à dire, mais l’apparition du Cid ne produisit pas plus d’effet que les premiers tableaux de Vouet. Il fut proclamé tout d’une voix le restaurateur de la peinture, le fondateur de l’école français, et le nom lui en est resté dans les livres. Tout le monde voulut avoir de ses œuvres ; sans parler du roi, qui le fit travailler successivement au Louvre, au Luxembourg, à Saint-Germain ; sans parler du cardinal, qui le chargea de peindre la chapelle et la galerie de son nouveau palais, on vit tous les seigneurs de la cour le supplier de décorer, celui-ci son hôtel, celui-là son château. C’est ainsi qu’en peu d’années, il couvrit de ses peintures l’hôtel Bullion, le château de Ruel, le château de Chilly, l’hôtel Séguier, l’hôtel de Bretonvilliers.

Si l’on se disputait ses ouvrages, on ne fut pas moins avide de ses leçons. Il fut, pour ainsi dire, contraint d’ouvrir un atelier, et cet atelier, qui lui donna bientôt les moyens d’accroître encore ses succès et son autorité, devint aussi dans l’avenir sa sauvegarde contre l’oubli ; car, ainsi que nous l’avons déjà dit, il eut la singulière fortune de compter parmi ses élèves presque tous les hommes qui, pendant le cours de ce siècle, s’illustrèrent à des titres et à des degrés divers comme peintres français.

C’est dans cet atelier que nous avons laissé Eustache Lesueur :