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doit à sa naissance et les idées libérales qu’il a puisées dans l’éducation et dans les voyages. Lord Stanley, à beaucoup d’égards, est de son temps, mais il appartient à la plus vieille des aristocraties, et il s’en souvient. Cependant, whig par sa famille et membre en 1827 de l’administration Canning, en 1831 du ministère Grey, il est probable qu’il serait resté dans les rangs des réformistes, si la question religieuse ne l’en eût arraché. Voici quand et comment ce changement s’accomplit.

Comme sir Robert Peel, lord Stanley était entré fort jeune dans la chambre des communes, et, dès son premier discours, les whigs reconnurent en lui l’espoir le plus brillant de leur parti. En 1826, quand je le vis à Preston lutter dans une élection de suffrage universel contre le fameux Cobbett, tout le monde, bien qu’il n’eût encore que vingt-six ans, le désignait dans le parti whig comme un futur premier ministre. Aussi, en 1827, au moment de l’alliance entre M. Canning et les whigs, entra-t-il aux affaires à titre de sous-secrétaire d’état : mais il se retira avec les whigs quand, l’année suivante, lord Goderich fit place au duc de Wellington. En 1830, à l’avénement de lord Grey, il devint secrétaire d’état d’Irlande, fonction qu’il échangea plus tard pour celle de ministre des colonies. En cette double qualité, il prit une part active à toutes les grandes mesures de cette époque, à la réforme parlementaire, à la réduction du nombre des évêchés en Irlande, à la conversion de la dîme en une taxe foncière, l’abolition de l’esclavage enfin qu’il eut l’honneur de proposer. Mais en 1833 surgit, sous le nom fameux d’appropriation, la question de savoir si les biens de l’église lui appartiennent en propre ou ne sont qu’un fidéicommis susceptible, une fois les besoins de l’église satisfaits, d’être approprié par l’état à des usages civils, à l’instruction par exemple. Sur cette question, lord Stanley fut en désaccord avec la majorité de ses collègues, qui ne voulaient pas opposer une négation absolue au principe radical. Il se retira donc, et entraîna dans sa retraite le duc de Richmond, lord Ripon et sir James Graham, tous membres du ministère Grey.

On se souvient de l’effet que produisit cette scission en Angleterre, et des acclamations par lesquelles le parti tory accueillit les ministres démissionnaires. Lord Stanley, pourtant, ne se livra pas tout de suite à ce parti, et chercha à former dans le parlement et hors du parlement un parti intermédiaire qui plus tard pût devenir le lien des whigs et des tories modérés. Peut-être y eût-il réussi sans le coup de tête du roi Guillaume, qui, en rappelant inopinément les