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pourtant une immense distance entre M. Gladstone, qui professe que l’état se fait athée, s’il contribue directement ou indirectement à un enseignement dont l’église établie n’ait pas la direction, et sir Robert Peel, qui veut, soit par des écoles, soit par la formation de bibliothèques populaires, donner à tous les citoyens indistinctement une éducation libérale ? entre M. Goulburn, qui s’oppose à ce qu’on ouvre aux juifs les corporations municipales, parce que ce serait proclamer l’indifférence en matière de religion, et sir Robert Peel, qui, le jour où se discute cette question, va se promener pour ne voter ni contre ses anis ni contre son opinion ? Que dire après cela de M. Pringle, qui soutient en plein parlement que « la nation juive a commis un grand crime pour lequel il est juste qu’elle souffre ? » de M. Plumptree qui, tous les ans, présente un bill pour empêcher que le dimanche les cochers puissent conduire une voiture, les boulangers cuire une livre de pain, les tavernes vendre une bouteille de vin ? de sir Robert Inglis, qui trouve que les revenus de l’église anglicane ne sont pas suffisans, et qu’il est urgent de les augmenter ? Sir Robert Peel, assurément, fait de ces folies le cas qu’elles valent, et cependant, sous son ministère comme sous le précédent, ces folies se traduiront en propositions et en votes. Que fera alors sir Robert Peel ? Et d’un autre côté, que feront M. Gladstone, M. Goulburn, M. Pringle, M. Plumptree, sir Robert Inglis, quand, fidèle aux engagemens qu’il a pris, sir Robert Peel demandera au parlement un vote d’argent pour propager l’instruction populaire dans toutes les religions ?

Il y a là, j’en suis convaincu, pour le ministère Peel, des écueils sur lesquels il risquera plus d’une fois de se briser. On peut dire, je le sais, que sir Robert Peel traitera les ultrà-tories comme lord John Russell traitait les radicaux, et qu’il battra de temps en temps ses alliés à l’aide de ses ennemis ; mais, outre que le jeu n’est rien moins que sûr, il est douteux que les tories se montrent aussi accommodans que les radicaux. Les radicaux, toujours exclus des affaires, avaient tout à gagner, rien à perdre. Ce que le ministère leur concédait était une conquête pour eux ; ce qu’il leur refusait les laissait dans la même situation. Il en est autrement des tories, qui long-temps ont gouverné, et auxquels chaque réforme arrache un morceau de leur patrimoine politique. Ajoutez qu’ils parlent au nom des idées religieuses, et que, par leur nature même, les idées religieuses sont absolues et exclusives. Souffrir qu’on porte atteinte à l’église établie, c’est plus qu’une faute à leurs yeux, c’est un péché ; et ce péché, en appuyant un ministère qui le commet, ne s’en rendraient-ils pas