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persévéraient encore dans leurs rancunes contre le gouvernement créé par la révolution de juillet, Rome, s’alliant hautement avec ce gouvernement, le remerciait de relever en Afrique les autels consacrés par le sang des martyrs ; elle s’applaudissait d’ouvrir avec lui au catholicisme une nouvelle carrière, et elle proclamait à la face du monde chrétien combien le clergé français était digne, par ses vertus, de la mission que lui donnaient les victoires de nos soldats.

Les effets que j’attends de l’alliance du catholicisme et de l’Orient sont de deux sortes, ses effets sur la population civile et militaire, ses effets sur l’église elle-même.

En France, l’église catholique discute contre la philosophie et contre l’indifférence ; elle semble plutôt une doctrine qu’une institution. À Dieu ne plaise que je lui fasse un reproche de cela ! l’église approprie son action aux temps et aux choses : en France et en Europe aujourd’hui, elle ne peut pas prouver sa foi par le martyre, elle la prouve par la discussion. Elle ne se borne pas d’ailleurs à la discussion : elle dirige les paroisses, elle instruit les enfans dans la foi chrétienne, elle distribue les sacremens aux fidèles ; mais tout cela encore, grace à l’heureuse quiétude des temps, est une administration régulière et calme. L’église catholique en France a les vertus de ce genre de vie ; elle est honnête et pure ; elle est presque partout prudente et sage ; elle est, sauf quelques bouffées de vanités oratoires, elle est modeste et réservée. Cette conduite lui attire peu à peu les esprits et le cœur ; mais cet attrait est doux et lent. Voyez, au contraire, quand s’offrent des occasions de dévouement et que l’église s’empresse de les saisir, dans les jours de choléra ou d’inondation, voyez quel ascendant acquiert l’église sur les esprits ! Dans l’Occident, ces bonnes fortunes sont rares ; en Orient, en Algérie, elles seront presque de tous les jours : placée près du péril, exposée au martyre, ayant sans cesse des infortunes à consoler, des misères à soulager, des prisonniers français à délivrer des mains des Arabes, des prisonniers arabes à soigner et à délivrer, toujours en action, toujours en vue, l’église d’Alger retrouve les plus anciens et les plus beaux jours de l’église chrétienne. En France, le clergé a la parole et les discours, rarement les œuvres ; l’église d’Alger a souvent la parole et les discours, mais toujours les œuvres ; et songez combien le voisinage des œuvres ajoute aux discours ! combien l’action vivifie la parole ! Je lisais dernièrement, dans un bulletin du général Bugeaud, qu’un ecclésiastique avait accompagné nos soldats pour les assister au besoin sur le champ de bataille, et le général, bon juge en fait de