Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/653

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
649
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

prima plusieurs journaux, notamment ceux de Wirth et de Siebenpfeiffer. Le parti exalté essaya de se défendre, se flattant en vain qu’il entraînerait les masses. Il s’organisa dans la Bavière rhénane une association pour la liberté de la presse, qui recueillait des contributions volontaires pour le soutien des feuilles proscrites. On refusa d’obéir aux décrets de la diète, comme étant contraires à la constitution bavaroise ; les journaux prohibés continuèrent à paraître, et s’exprimèrent, comme de raison, avec plus de violence que jamais ; l’un d’eux parla même en termes menaçans des milliers de bras dont il pouvait disposer. Les autorités locales se montrèrent impuissantes à empêcher la propagation des journaux proscrits, et un tribunal en acquitta même les rédacteurs, qui lui avaient été déférés. Ce fut alors que ceux-ci, enhardis par leur triomphe, préparèrent une grande manifestation populaire pour le 27 mai, jour de la fête de la constitution bavaroise, et que Wirth invita tous les amis du peuple en Allemagne à se réunir en cette occasion. Une immense multitude venue de tous les pays voisins se rassembla en effet au pied des ruines du vieux château de Hambach, situé sur une hauteur qui domine la magnifique vallée du Rhin. On déploya l’étendard à trois couleurs du saint empire, près duquel s’élevaient une foule de symboles populaires de toute espèce, et entre autres le drapeau de la Pologne. Les chefs du parti démagogique tinrent de violens discours contre les rois et les princes, et parlèrent plus ou moins éloquemment de la liberté, de l’égalité, et surtout de l’unité de l’Allemagne, ce thème éternel du vieux et du nouveau teutonisme[1]. Les libéraux modérés, parmi lesquels se trouvaient quelques membres des chambres badoises et bavaroises, protestèrent en se retirant contre ces emportemens de langage ; mais une grande partie des assistans y répondit par des acclamations enthousiastes, et porta en triomphe les orateurs les plus populaires. À la suite de cette fête, une assez grande agitation se

  1. Il était venu de l’Alsace un assez grand nombre de Français, notamment des députations de la garde nationale et de la société des Amis du peuple de Strasbourg. Wirth crut devoir dire à cette occasion qu’il n’attendait rien des Français, que la liberté offerte par eux serait à trop haut prix, s’il fallait la payer d’un pouce du territoire allemand ; que la France ne voulait que satisfaire aux dépens de l’Allemagne sa soif de conquêtes, etc. On peut croire que les patriotes du Bas-Rhin, qui étaient venus pour fraterniser, furent quelque peu désappointés de ce langage. Ils auraient dû pourtant y être préparés, car la Tribune allemande ne s’était fait faute, dans l’occasion, de redemander l’Alsace et la Lorraine, injustement enlevées à l’empire germanique.