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nion européenne. Nul n’a moins que nous le goût des procès politiques, et nous les tenons presque toujours pour dangereux, soit qu’ils échouent, soit qu’ils réussissent ; car, par ses succès comme par ses défaites, le pouvoir arme contre lui des résistances formidables. Il n’en est pas ainsi des procès sociaux, parce qu’il existe encore, grace à Dieu, au fond de cette société bouleversée, des intérêts universels et des croyances indestructibles auxquels on peut en appeler avec confiance. Dans l’état où un demi-siècle de révolution a jeté la France, les plus honnêtes gens diffèrent sur la manière de comprendre leurs devoirs envers le pouvoir et envers le pays. Demander au jury la justice et la vérité politique, c’est les contraindre à varier, selon tous les hasards de l’urne et toutes les influences de localité ; c’est exposer à un danger également grave et l’honneur du pouvoir, qui réclame protection, et la conscience nationale, de plus en plus ébranlée par ce spectacle de contradiction et d’incertitude. Mais appelez sans hésiter tous les honnêtes gens à protéger les bases de cette société, contre laquelle conspirent tant de factions, parlez-leur la langue de toutes les consciences, puisque celle-là est encore comprise, et tous vous prêteront leur force, parce que vous aurez répondu à la pensée de tous.

Enfin il est des vues industrielles qui se produisent pêle-mêle avec tous les rêves, plutôt par l’effet des circonstances que par suite d’une analogie véritable. Ici commencent d’autres devoirs : un gouvernement prévoyant et éclairé arrachera aux hommes que peut égarer la tentation d’en abuser, les idées même qui font leur force au sein des masses ; il prendra l’initiative de certaines mesures, que lui seul peut appliquer avec discernement et sans péril.

Lorsque, l’année dernière, des milliers d’ouvriers parcouraient dans un calme menaçant les rues de la capitale ; lorsque, dans les jours de paix et de prospérité commerciale, ils interrompaient le cours de leurs travaux, pour débattre, sous l’ardente excitation des partis, les questions les plus complexes, le premier devoir du gouvernement fut de dissiper par la force une émeute d’autant plus dangereuse qu’elle s’ignorait elle-même ; mais à ce devoir accompli a dû en succéder un autre. Il faut que le pouvoir pose à son tour les problèmes posés par les factions. Il doit se demander jusqu’à quel point il peut intervenir dans la seule forme de l’activité nationale, livrée sans règle comme sans contrôle à toutes les chances des évènemens et de la fortune. Pourrait-il exercer une salutaire médiation