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deux figures adossées qui rappellent un peu l’Iliade et l’Odyssée de M. Ingres, et qu’on reconnaît aisément, à la massue et aux balances qu’elles tiennent, pour la Force et pour la Justice : à droite et à gauche de la France se tiennent debout les groupes représentant les Arts, l’Architecture, la Peinture, la Sculpture, la Musique avec la palette, l’équerre, le marteau et le papier réglé. — Nous n’avons pas pu trouver la Poésie qui aurait dû, ce nous semble, tenir la première place dans ce groupe symbolique, la Poésie étant le premier des beaux-arts et en quelque sorte celui qui les résume tous. L’Armée, la Marine, l’Industrie, l’Agriculture, l’Abondance, la Seine et la Marne, représentées par des figures nues ou drapées, avec les attributs marqués par l’iconologie classique, occupent le reste de la composition. — Tout cela est d’une ordonnance un peu symétrique, d’un aspect un peu froid, mais nous n’en ferons pas reproche à M. Cortot : la sculpture et la peinture, quand elles se trouvent liées à des monumens et combinées avec des lignes architecturales, doivent participer autant que possible à la symétrie de l’édifice, dont elles font partie intégrante. — Des compositions d’un mouvement plus désordonné et plus chaleureux rompent souvent l’harmonie générale, et, exécutées sur place, ne produisent pas l’effet qu’on semblait en attendre : les groupes équilibrés et les lignes calmes du fronton de M. Cortot répondent assez bien à la perpendicularité des colonnes et aux proportions géométriques du cadre qui les enserre.

Ce serait peut-être ici le lieu d’agiter l’importante question de savoir si l’art moderne ne devrait pas renoncer à se servir exclusivement du symbolisme antique ; n’est-il pas extraordinaire de voir une Minerve grecque soutenir, sur le fronton de la chambre des députés, la charte de 1830, qui assurément n’a rien d’antique en soi-même ? Le Mercure, avec ses talonnières et son caducée, est-il un emblème bien approprié au commerce et à l’industrie actuels ? — Un statuaire de beaucoup de talent, M. David, ayant à rendre une composition à peu près analogue, a franchement rejeté l’allégorie et n’a pas craint d’aborder dans ses détails les plus prosaïques la difficulté du costume moderne ; malgré la perfection de plusieurs parties prises isolément, à part quelques têtes d’une rare beauté, l’on ne peut pas dire que l’effet général soit satisfaisant. — Puisque l’on a conservé l’architecture grecque, ou plutôt gréco-romaine, il faut pousser l’imitation jusqu’au bout et nous servir de leurs données iconologiques, quoiqu’il soit assez étrange, dans un pays depuis si long-temps catholique, de ne pouvoir traduire une idée sur un monument public