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DE LA POÉSIE LYRIQUE EN ALLEMAGNE.

la femme, élément instinctif dont nous avons vu jaillir le comique, l’éclat de rire, plus d’une pointe à double entente et plus d’une allusion équivoque. — Cependant l’amour des sexes trouve dans la communauté son action morale, sa loi féconde et légitime. La communauté fait la famille, qui, elle aussi, se dissout à son tour pour se répandre dans les différentes conditions sociales, dans les divers états. — Ici toute une période nouvelle s’ouvre pour le lyrisme, et nous aurons à l’étudier sous plus d’un aspect, soit qu’il se rapporte aux divers points de développement de la vie de famille, soit qu’il exprime et caractérise la poésie des états où l’existence populaire, la communauté, se dissémine.

La famille naît du mariage, port fortuné où viennent échouer toutes les fluctuations orageuses de l’amour. Le mariage tend au calme, à l’assoupissement des passions, à la douce quiétude au sein du bien-être et du réalisme, d’où l’on peut conclure qu’il ne répond guère aux conditions de la poésie. Le mariage est anti-poétique de son essence (ceci soit reconnu sans médire de la poésie ni du mariage). Malheur donc à l’union des deux époux lorsqu’une péripétie quelconque se rehausse tout à coup en pittoresques accidens. Le lied des noces (Hochzeit-Lied), en installant les fiancés dans leur nouvelle condition, ferme la série de tous les lieds charmans qu’on se chante de part et d’autre au printemps de la vie et des amours. Ces lieds de noce ont d’ordinaire un caractère tout-à-fait particulier, tiennent au sol qui les a vus naître, et s’y transmettent de race en race par tradition, dans les campagnes du moins, où chaque dialecte revendique son produit ; car, pour les villes, il n’en est pas de même. Ici la communauté se perd, le moindre bourgeois veut avoir sa chanson qui lui soit propre, son lied expressément composé à l’occasion d’un acte personnel. Avec la vie civile commence toute une série d’évènemens particuliers, de circonstances privées, de hasards individuels qu’on ne saurait trouver aux champs, où l’existence, plus calme, plus régulière, forme un tout harmonieux et pacifique dans lequel la physionomie du neveu se distingue à peine de celle de l’aïeul. Cependant, si l’époux ne chante plus de lied à l’épouse, la vie conjugale n’est pas dépourvue pour cela de toute espèce d’élément poétique. La naissance de ces petits êtres que tant d’espérances environnent, amène un gracieux contraste à la monotonie du va-et-vient de tous les jours. En même temps que la sollicitude du père et de la mère se rassemble sur ces têtes