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L’arc-en-ciel comme une aile
Couvre bien la maison ;
Mais elle est partie, elle,
Elle a fui du vallon.

Elle a traversé plaines
Et mers peut-être aussi.
Passez, troupeaux ; ici
Le pâtre a tant de peines.

L’existence de l’agriculteur, non moins rangée que celle du pâtre, a cependant plus de mouvement et de variété. L’agriculteur vit avec la plante qu’il cultive ; il la suit dans une alternative incessante de joie et de chagrin, d’espérance et de découragement, à travers toutes les périodes de sa transformation. Il la voit tour à tour germer, fleurir, fructifier, et s’identifie en elle au point de sentir à l’avance les moindres caprices de l’atmosphère. Les révolutions de la nature, au printemps, au solstice d’été, à l’automne, amènent pour lui régulièrement des fêtes annuelles, qu’il n’a garde de négliger, et dont plus d’une trouverait au besoin sa loi originelle dans les mystères du vieux panthéisme germanique, comme par exemple la célébration de ces feux de joie qu’on saute de si bon cœur à la Saint-Jean. Le symbolisme allemand, pour chômer les fêtes du printemps et du renouveau, a imaginé de représenter l’hiver sous la figure d’un homme de paille qu’on brûle, et que l’été chasse de la ville et du village. Dans le Palatinat, les enfans ameutés autour du brasier, comme du reste c’est encore la coutume chez nous, chantent à tue-tête en menant leur ronde :

« Ri, ra, ro, voici l’été qui vient ! Haro ! sur le vieillard, haro ! »

L’hiver apparaît aussi quelquefois sous la figure de la Mort, image renouvelée du paganisme, et qu’on rencontre dans le lied suivant :

La Mort partout balaie
Les blés mûrs et l’ivraie
Et laboure les champs.
L’été, pendant ce temps,
Dort au fond des retraites
Et rêve de fleurettes,
De mai, de violettes,
Et d’amours au printemps !

La poésie accompagne tous les travaux en harmonie avec l’agri-