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brûle ; et, vêtute de sa robe noire de tous les jours, elle est assise là, sans prendre part à la fête.

« Hélas ! pour elle il n’est pas né celui qui, dans cette nuit bienheureuse, vint nous apporter, à nous, la joie et la paix et le contentement.

« Son amour, ses douleurs, ne pénètrent point en elle, et sur son ame tendre pèse une loi de granit. »

PRIÈRE Pendant la veillée de noël.

« Amour qui souffris sur la croix, amour qui domptas la mort par pitié pour les enfans des hommes, compte, dans cette nuit bienheureuse qui t’apporta jadis à nous, compte les ames qui te manquent.

« Amour qui envoyas l’étoile au pays lointain d’Orient pour inviter les rois, qui, par la voix du précurseur, fus annoncé aux pauvres bergers es-tu donc devenu muet ?

« Une douce bergère repose encore en un sommeil aveugle, et rêve d’arbres verts. Un ange ne chantera-t-il pas à sa fenêtre : — Esther, ouvre-moi, le Sauveur est né ? »

Et si la jeune fille tarde à se convertir, c’est encore d’une fleur (la passiflore où la légende a vu se perpétuer les instrumens du Golgotha) que le poète invoque l’intercession. Toutes les fleurs ont un sens au jardin d’Allemagne. Il y en a pour les espérances, les souvenirs et les regrets ; l’une dit : aimez-moi ; l’autre, ne m’oubliez pas ; vous en trouvez même de mystiques.

Plante bénie et trois fois sainte,
Rose mystique, étoile en fleur,
Qui portes la divine empreinte
Du martyre du Rédempteur ;
Je te vois fraîche, épanouie,
À sa croisée, à tout moment.
Veux-tu donc consumer ta vie
En éclat frivole et changeant ?

Ne sens-tu pas, lys adorable,
Le germe profond et divin
D’une nature impérissable
Que le Sauveur mit dans ton sein,
Lorsqu’au frais jardin de la terre
Il te laissa parmi nos fleurs,
Sainte image de ses douleurs,
Symbole de sa mort amère,
Où se puissent tourner nos cœurs
Dans la joie et dans la misère ?