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GALILÉE.

ardente et avides de merveilles cherchèrent surtout les prodiges, et portant l’enthousiasme dans la philosophie, ils se firent une poésie dans les sciences. Négligeant la sévère et simple vérité qui s’offrait à leurs yeux, ils cherchèrent partout un éclat qui éblouit et qui est souvent trompeur. Excepté Léonard de Vinci, grand artiste et grand penseur, qui porta un regard scrutateur sur toutes les branches de la philosophie naturelle, et qui aurait hâté le renouvellement des sciences, si, au lieu de cacher ses découvertes à une génération peu disposée à les accueillir, il les avait annoncées hardiment et s’était fait chef d’école, les savans les plus illustres du XVIe siècle semblèrent plus occupés d’attirer les regards de la foule ou de flatter ses superstitions, que de connaître la vérité. Voyez Tartaglia et Cardan, qui ont tant contribué aux progrès de l’algèbre ! Tartaglia faisait proclamer ses découvertes dans les rues au son des fanfares, et proposait des problèmes par des hérauts. L’autre, esprit audacieux qui voulait tout renverser et qui s’en prenait même aux dieux, avait un démon familier et se laissait mourir de faim pour réaliser une de ses prédictions. On ne sait ce qui doit frapper le plus dans Kepler, de ses lois immortelles ou des erreurs affligeantes qu’il répandit dans tous ses écrits ; Porta, infatigable chercheur de secrets ; Giordano Bruno et Campanella, qui expièrent dans les tourmens la hardiesse de leurs opinions, avaient pu, par la pénétration de leur esprit, découvrir des vérités importantes ; mais ces succès n’étaient dus qu’à des efforts individuels, et, malgré leurs travaux, la véritable philosophie naturelle n’était pas encore créée. Il n’y avait pas de méthode ; l’erreur était partout mêlée à la vérité, et l’on ignorait encore les règles qui doivent guider l’esprit dans l’étude de la nature. Le défaut de philosophie est ce qui frappe surtout dans les ouvrages scientifiques du XVIe siècle, et l’on comprend à peine comment des hommes qui, dans les arts et dans les lettres, faisaient preuve d’un talent si admirable, d’un goût si exquis, pouvaient adopter, sans examen, les opinions les plus erronées, et paraître quelquefois même indifférens à l’erreur et à la vérité. Dans l’antiquité comme au moyen-âge, en Orient comme en Occident, on a cherché le merveilleux dans la nature plutôt que le vrai, qui semblait vulgaire et peu digne de l’attention des philosophes. On s’est aperçu bien tard que les phénomènes les plus extraordinaires sont dus généralement aux mêmes causes qui produisent les effets que nous observons tous les jours, et que, pour expliquer les uns, il était indispensable d’étudier les autres. Ces faits étranges et rares qui frappent l’imagination, exercè-