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REVUE. — CHRONIQUE.

time pourra librement et puissamment se développer, où nos ports seront remplis de bâtimens de notre commerce, et ces bâtimens de matelots français, — où, le cas échéant, nos vaisseaux de guerre pourront d’un instant à l’autre appeler à leur bord des équipages instruits et suffisans, et alors, mais alors seulement, nous pourrons diminuer nos armemens effectifs et confier au commerce des matelots que nos flottes pourraient toujours retrouver. Aujourd’hui le désarmement rendrait un grand nombre de ces hommes à la vie des champs et aux ateliers. Ce ne serait pas seulement désarmer, ce serait s’affaiblir. Si des réductions sont nécessaires, répétons-le, elles ne peuvent s’opérer sans trop d’inconvéniens que dans l’armée de terre et en particulier dans l’effectif des fantassins.

Une nouvelle campagne va commencer en Afrique. Nous devons en attendre les plus heureux résultats. Les affaires de l’Algérie ont été conduites cette année avec une prévoyance, une activité et un esprit de suite que nous nous plaisons à reconnaître, et dont il faut savoir gré et au cabinet qui a fourni les moyens, et à M. le gouverneur-général qui a su les employer avec une grande habileté. L’autorité de la France commence à pénétrer parmi les Arabes ; nous luttons avec succès contre Abd-et-Kader sur son propre terrain. Les nouveaux échecs qui l’attendent achèveront peut-être de détruire son influence morale, et par là sa puissance politique et militaire. M. Bugeaud aura obtenu un beau succès, un succès peut-être décisif, si on sait en tirer parti, si on ne s’arrête pas tant qu’il restera quelque chose à faire pour asseoir notre domination en Afrique. Il est sans doute d’une bonne politique d’opposer à Abd-el-Kader des chefs arabes dont l’influence nous soit acquise, et des troupes indigènes combattant sous les drapeaux de la France. Disons cependant que c’est là une partie à jouer avec réserve et habileté. Il ne faudrait pas que la chute de l’émir fût suivie de l’élévation d’un autre chef, d’autant plus redoutable qu’il aurait été formé à notre école, et qu’il connaîtrait mieux le fort et le faible de notre système de guerre. Des velléités d’indépendance et de résistance peuvent toujours fermenter dans l’esprit des indigènes, tant qu’ils n’auront pas la profonde conviction de notre établissement définitif en Afrique, conviction que la colonisation peut seule leur donner. Il faut, si on peut le dire, qu’une forte ceinture européenne les entoure et les contienne. L’Arabe n’est un ami sûr que le jour où il a perdu l’espérance de pouvoir être un ennemi heureux. Tant que les indigènes ne verront en Afrique que des soldats, ils pourront toujours croire qu’une guerre en Europe ou toute autre combinaison politique peut un jour nous décider à évacuer l’Algérie. Cette pensée disparaîtra lorsqu’une population proprement dite sera établie sur notre sol africain, et qu’il y aura une véritable Algérie française. Sous ce point de vue, des colons français seraient préférables à des colons étrangers. Les Arabes n’en seraient que plus convaincus de la ferme détermination où nous serions de conserver à tout prix nos possessions africaines.

Ainsi que nous l’avions prévu, de grandes difficultés se sont élevées dans le cours des négociations commerciales entamées avec la Belgique. Tout paraît