Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
REVUE DES DEUX MONDES.

eu l’éclat qui vient de signaler l’ouverture de celle de 1841. De toutes les villes d’Italie, Florence est le plus justement illustre par les grands hommes qu’elle a produits dans les sciences comme dans les arts, et de tous les souverains actuels de ce pays, le grand-duc de Toscane, Léopold II, est le plus éclairé, le plus libéral, le seul peut-être qui se montre jaloux de ne pas interrompre les nobles traditions du passé. C’est par ce double motif que s’explique naturellement le succès du congrès de cette année.

L’ouverture a eu lieu, le 15 septembre, à midi, par une messe du Saint-Esprit, dans l’église de Santa-Croce. On sait que cette église, la seconde de Florence par sa beauté, est la première par les souvenirs qui s’y rattachent. C’est là que sont les tombeaux des plus illustres Florentins, réunion de morts unique en Europe, car les noms qu’on lit sur les mausolées ne sont pas autres que ceux-ci : Dante, Michel-Ange, Machiavel, Galilée, ce qu’il y a peut-être jamais eu de plus grand dans la poésie, dans les arts, dans la politique, dans la science. Plus de six cents députés de toutes les universités et de tous les corps savans d’Italie se sont trouvés, au jour fixé, réunis au pied de ces tombes augustes, et le reste de l’église était rempli, comme les abords, d’une foule immense de ce peuple toscan si intelligent et si curieux.

On peut contester l’utilité des congrès pour le progrès de la science. Ces sortes de réunions sont à la fois trop nombreuses et trop courtes pour qu’il s’y puisse faire un travail bien profitable. Mais, certes, pour qui a vu le congrès de Florence, il ne saurait être douteux que ces assemblées ne soient d’une véritable importance sociale et nous dirions presque politique, surtout en Italie. Dans l’état de morcellement dont se plaint avec raison cette glorieuse patrie de la civilisation moderne, c’est bien quelque chose que de voir six cents Italiens rassemblés quelque part de tous les points de la péninsule, sous la protection de l’un de leurs gouvernemens, et à peu près libres de dire et d’écrire publiquement ce qui leur plaît ; intéressant spectacle qu’on n’était pas habitué à voir en Italie, et qui prouve que la force des choses y fait comme ailleurs son chemin, lent, mais sûr.

Le gouvernement romain est le seul qui se soit montré hostile au principe des congrès. Il a défendu formellement aux professeurs de ses universités de se rendre à Florence. S’il est venu quelques Romains, c’est en quelque sorte par surprise, et il ne s’en trouve aucun parmi eux qui soit à un titre quelconque employé du gouvernement. À Naples, l’autorité a laissé faire, mais de mauvaise grace. Aussi les Napolitains étaient-ils en petit nombre à l’ouverture du congrès. Quant aux gouvernemens du nord de l’Italie, ils ont non-seulement autorisé, mais encouragé leurs savans à se rendre au congrès. Turin, Padoue, Venise, Trévise, Brescia, Bergame, Milan, Vérone, Parme, Lucques, Gênes, Pavie, presque toutes les villes du Piémont, des possessions autrichiennes et des petits duchés, ont envoyé des représentans ; il en est venu même de Modène.

Ces faits prennent de l’importance quand on pense que nul ne peut sortir de chez soi en Italie sans avoir obtenu de passeport de son gouvernement, et que ce passeport se refuse souvent sous le plus léger prétexte. Il n’est pas douteux que le grand-duc de Toscane n’ait personnellement insisté auprès des autres gouvernemens pour en obtenir des facilités. Ce prince a pris à cœur le succès du congrès ; occupé lui-même d’études scientifiques, il aime la science et les