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M. Bacot, le mémoire qu’il a présenté et qui n’était pas moins remarquable par la connaissance approfondie des faits que par la vigueur du raisonnement, n’ont pu empêcher une résolution dont l’Union elle-même ne tardera pas à éprouver les funestes conséquences. Un droit de 20 pour 100 est plus qu’un impôt : c’est un droit protecteur, c’est le commencement du régime prohibitif. Il peut développer chez elle des industries artificielles, des intérêts factices qui un jour ajouteront de nouvelles complications à un état social et politique déjà si compliqué et si difficile. Au surplus, soyons justes. Les gouvernemens européens ont-ils le droit de se plaindre de cette mauvaise mesure ? L’Amérique nous imite. Elle se trompe sans doute ; mais c’est l’Europe qui l’a induite en erreur par ses exemples et par les étranges enseignemens de ses hommes politiques. Nous avons entendu prononcer le mot de représailles. Ce serait répondre à une folie par une plus grande folie : se couper la main parce qu’on nous a fait une piqûre au doigt. C’est le cours naturel des choses qui peut amener une sorte de représailles, dans ce sens que, si l’Amérique paralyse par son bill une de nos productions, elle ne tardera pas à reconnaître qu’une production équivalente se trouve paralysée chez elle, car après tout on ne vend qu’autant qu’on achète, et réciproquement. Quant à ce qui concerne nos vins, nous n’avons pas dans ce moment le bill sous les yeux, mais nous croyons nous rappeler que la clause de notre traité avec l’Amérique y est respectée.

La diète suisse se réunira de nouveau dans quelques jours. Tout annonce que cette réunion n’amènera aucun résultat. Le canton de Vaud vient, dit-on, de donner à ses députés des instructions dans le sens radical ; mais cela ne suffit pas pour que l’opinion du canton de Berne obtienne la majorité.

Les affaires de la Grèce paraissent prendre une meilleure tournure. Les renseignemens qu’en rapporte M. Piscatory, observateur impartial, éclairé, et qui a pu d’autant mieux juger le pays qu’il le connaissait déjà, rassurent, dit-on, sur l’avenir de cet état naissant. L’ordre a été rétabli dans les finances, et le commerce maritime en particulier y a fait des progrès très remarquables. M. Mavrocordato avait apporté en Grèce des idées trop anglaises. Tout à ses idées étrangères et d’emprunt, il ne connaissait plus ni les hommes ni les choses du pays. Il a complètement échoué. M. Cristidès, le ministre dirigeant actuel, paraît un homme capable, prudent et ferme à la fois. La conduite de notre gouvernement à l’égard de la Grèce a été franche, bienveillante, et propre à assurer les meilleurs rapports entre les deux pays.

On révoque en doute aujourd’hui l’évacuation de Saint-Jean-d’Acre. Nous espérons que le gouvernement ne tardera pas à faire connaître la vérité, et que, si l’évacuation n’est pas accomplie, il insistera vivement pour faire cesser cette prolongation indirecte du traité du 15 juillet.

À l’intérieur, le calme se rétablit dans les départemens comme à Paris. Les questions qui agitaient les esprits ont quitté la place publique pour rentrer