dans Clotilde, comme presque partout ailleurs en poésie française, ce sont les toutes petites choses qui restent les plus jolies, les rondeaux à la Marot, à la Froissart :
Sont-ce rondels, faits à la vieille poste
Du vieux Froissart ? Contre lui nul ne joste[1],
Ne jostera, m’est avis, de long-temps ;
Graces, esprit et fraîcheur du printems
L’ont accueilli jusqu’à sa derraine heure ;
Le vieux rondel habite sa demeure
À n’en sortir........
Est-il donc permis de le confesser tout haut ? En général, quand on fait de la poésie française, on dirait toujours que c’est une difficulté vaincue. Il semble qu’on marche sur des charbons ardens ; il n’est pas prudent que cela dure, ni de recommencer quand on a réussi : trop heureux de s’en être bien tiré ! Lamartine est le seul de nos poètes (après La Fontaine), le seul de nos contemporains, qui m’ait donné l’idée qu’on y soit à l’aise et qu’on s’y joue en abondance.
Pour en revenir à la méthode d’envieillissement et au premier effet qu’elle produit, je me suis amusé à l’essayer sur une toute petite pièce, très peu digne d’être citée dans sa forme simple. Je n’ai fait qu’y changer l’orthographe à la Surville, et n’y ai remplacé qu’une couple de mots. Eh ! bien, par ce seul changement à l’œil, elle a déjà l’air de quelque chose. Si on supprimait les articles, si on y glissait quelques inversions, deux ou trois vocables bien accentués, quelques rides souriantes enfin, elle aurait chance d’être remarquée. Il faut supposer qu’une femme, Natalie ou Clotilde, — oui, Clotilde elle-même, si l’on veut, remercie une jeune fille peintre pour le bienfait qu’elle lui doit. Revenant de Florence où elle a étudié sous les maîtres d’avant Pérugin, cette jeune fille aura fait un ressemblant et gracieux portrait de Clotilde à ce moment où les femmes commencent à être reconnaissantes de ce qui les fait durer. C’est donc Clotilde qui parle :
De vos doits blancs, effilés et légiers,
Vous avez tracé mon ymaige.
Me voyla belle, à l’abry des dangiers
Dont chasque hyvert nous endommaige !
Por ce doulx soing, vos pinceaulx, vos couleurs,
- ↑ Joûte.