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LE DOCTEUR HERBEAU.

— Vraiment, mon ami, dit Louise en souriant, si mon mari vous surprend dans cet état, je ne sais trop ce qu’il n’imaginera pas.

Comme elle disait, M. Riquemont, le fusil sur l’épaule, escorté de toute sa meute, déboucha dans le sentier des sureaux, et se dirigea du côté de la maison.

— Décidément, dit Louise, voici l’orage qui s’approche.

— Ah ! maudit toit ! s’écria le docteur.

— Du courage, dit Louise.

— Mais, ventre-saint-gris ! s’écria-t-il encore, quelle idée avez-vous eue de me faire monter sur ce toit ?

M. Riquemont s’avançait au pas de charge, mais tête basse, le front incliné sous les préoccupations du moment, si bien qu’on pouvait raisonnablement espérer qu’il s’éloignerait sans s’apercevoir de rien. En effet, il allait dépasser la chaumière, et déjà le docteur Herbeau respirait plus à l’aise et se croyait sauvé, quand, par malheur, les chiens aboyèrent après Colette. M. Riquemont tourna la tête, et reconnut le noble animal ; il leva les yeux, et aperçut nos deux coupables juchés l’un près de l’autre. Louise ne put s’empêcher de rire en voyant l’étrange mine que firent le docteur et le châtelain. Mais Aristide ne riait pas, et volontiers il aurait donné sa part de bonheur dans l’éternité pour que la toiture sur laquelle il était perché s’abîmât à cent pieds sous terre. Il se tenait immobile, silencieux et blême, tandis que M. Riquemont, appuyé sur le canon de son fusil, le regardait avec une expression de visage indéfinissable. Louise riait à gosier déployé.

Eh ! bonjour, monsieur du Corbeau,
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !

s’écria M. Riquemont en ôtant sa casquette.

Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois.

À ces mots, le docteur ne se sentit pas d’épouvante. Il ôta machinalement son chapeau et rendit au châtelain son salut.

— Ah çà ! monsieur, dit celui-ci d’un ton sévère, que diable faites-vous là ?

— Mon ami, dit Louise, qui continuait de rire comme une enfant qu’elle était, je vous conterai la chose ; mais veuillez d’abord relever