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donner un cinquième de ses propriétés, on désigna une certaine partie de terrain libre pour les membres de cette communauté qui travaillaient selon les indications du gouvernement, et qui obtenaient par ce travail l’exemption de l’impôt. Le chef du village choisissait, pour accomplir cette tâche, un certain nombre d’hommes qui se mettaient l’un après l’autre à l’œuvre pendant un mois ou une semaine. Dans cette féconde contrée de Java, la culture est une œuvre facile, il ne faut que jeter la semence en terre pour qu’elle germe et porte ses fruits. Le plus difficile est de vaincre l’apathie des habitans alourdis par la chaleur du climat.

Peu à peu le système du général Van der Bosch a mis en mouvement cette sorte d’indolence innée, en donnant au Javanais un mobile nouveau, en lui offrant une récompense assurée pour prix de son travail. Déjà, dans l’espace de quelques années, la population est devenue active et industrieuse. Elle a profité des leçons que lui donnait son habile gouverneur. Elle s’est mise à cultiver pour son propre compte les plantes qui rapportent le plus grand bénéfice. Elle les vend à la société de commerce, et enrichit la Hollande et s’enrichit elle-même par son travail et ses spéculations. Deux fois par an, la Handels Maatschappii importe en Hollande, pour le compte du gouvernement, les denrées de Java, et les vend aux enchères à Rotterdam, Amsterdam et Middelbourg. Depuis 1830, la quantité de ces denrées a été presque triplée. La colonie a payé avec ses propres revenus 45 millions de dettes ; elle suffit à toutes ses dépenses, elle sert à fréter une quantité de navires, elle anime tout le commerce, toute la marine de la Hollande, et rapporte au gouvernement un revenu dont le chiffre réel a été pendant plusieurs années caché mystérieusement dans les cartons du ministre des finances, mais qui doit être considérable, au dire de tous les hommes compétens.

Maintenant, Java ressemble à un immense jardin couvert d’une végétation abondante, traversé par de larges routes, parsemé d’élégantes habitations et animé par une foule de laboureurs, d’ouvriers, de marchands. Batavia est une ville de soixante mille ames, où l’on trouve tout le luxe des habitudes européennes joint aux merveilleuses richesses de l’Orient. À quelques lieues de là est la résidence du gouverneur et des principaux fonctionnaires, véritable palais de roi au milieu d’une nature féerique.

Les Chinois arrivent chaque année à Java en grand nombre. Accablés d’impôts, parqués dans certaines rues comme des êtres conta-