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mettrait à l’aise, ce parti n’est pas à la veille de périr ; mais il est facile, malgré les efforts qu’on fait pour le maintenir en bon ordre, de voir qu’il se réduit et qu’il se transforme chaque jour. À vrai dire, son histoire future peut se lire dans l’histoire passée des jacobites anglais qui, transportant un beau jour leur dévouement de la dynastie déchue à la dynastie régnante, retrouvèrent tout à coup leurs vieux principes et leurs vieilles opinions. Tant que les jacobites avaient combattu pour la maison de Stuart, il leur était aussi arrivé d’emprunter, en les aiguisant, les armes de leurs adversaires et d’exagérer leurs doctrines. Le jour où ils se rallièrent à la maison de Hanovre, ils redevinrent les champions les plus ardens de la prérogative.

Telle est, j’en suis convaincu, la destinée des légitimistes français. C’est dire qu’il y a là le germe d’un changement grave, et que les amis des principes de 1830 ont, en définitive, peu d’intérêt à ce que le nombre de leurs adversaires légaux se trouve ainsi subitement accru. Il faut pourtant qu’ils sachent que ce moment viendra, et qu’ils ne se laissent pas prendre au dépourvu.

Comme le parti légitimiste, le parti républicain me paraît avoir fait fausse route, mais par de tout autres motifs, et avec de tout autres conséquences. Qu’il y eût en France, après 1830, un parti républicain, cela était inévitable, et, j’ose le dire, jusqu’à un certain point, légitime. C’est en effet un grand problème dans le monde, un problème non encore résolu, que de savoir à quel gouvernement appartient l’avenir, et laquelle, de la forme républicaine ou de la forme monarchique plus ou moins modifiée, doit l’emporter en définitive. Je crois, pour ma part, la monarchie constitutionnelle préférable à la république, et j’espère que l’avenir le démontrera ; toutefois on ne peut nier que la démonstration ne soit encore incomplète, et que le doute ne soit permis. Je conçois donc qu’un certain nombre d’esprits élevés aient pensé et pensent encore que la monarchie constitutionnelle est une transition vers un ordre de choses plus logique et plus parfait, je conçois que le principe démocratique leur paraisse assez puissant, assez fécond pour s’emparer un jour de la société tout entière ; mais le parti républicain aurait dû songer qu’en supposant ses idées vraies, c’est par la discussion qu’il était appelé à les faire prévaloir. Il aurait dû penser en outre que rien de durable ne se fait vite, et qu’avant d’arriver au jour fatal où les institutions périssent, la monarchie constitutionnelle, à peine essayée en France, a, dans tous les cas, bien des années à vivre et bien des phases à traverser.

À peine pourtant la monarchie constitutionnelle avait-elle, en 1830,