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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

se rapporte, et a pressé vivement, et à plusieurs reprises, la Porte de négocier directement avec Méhémet-Ali, et de conclure un arrangement avec le pacha, non-seulement sans le concours des quatre autres puissances, mais encore sous la seule médiation de la France, et conformément aux vues particulières du gouvernement français. »

Cette imputation, à laquelle le gouvernement français a eu le tort de ne pas répondre sur-le-champ, prévint les esprits contre lui en Angleterre et en Allemagne. Le memorandum de M. Thiers, réplique décisive et complète, ne parut qu’après les évènemens de Beyrouth. Alors ceux qui auraient voulu s’en prévaloir pour défendre la France trouvaient l’opinion publique absorbée par d’autres soins, et ceux que la réponse du gouvernement français aurait pu troubler dans leur assurance, demeuraient libres de la regarder comme non avenue.

À quelques jours de là, les accusations lancées par lord Palmerston avaient de l’écho dans nos chambres. Le parti conservateur ne craignait pas de se faire le complice de l’étranger dans cette téméraire agression. On ne se contentait pas d’avancer que le ministère du 1er  mars avait été inhabile ; on prétendait prouver qu’il avait manqué de sincérité. Qui ne se souvient de cette joie impie qui éclata dans la commission de l’adresse, lorsque les membres qui la composaient crurent avoir trouvé, dans la mission de M. Eugène Périer, la preuve des efforts que le gouvernement français aurait faits en faveur de l’arrangement direct ? Et de quel poids lord Palmerston n’a-t-il pas dû se sentir soulagé, lorsque M. le général Bugeaud, se portant garant de ses intentions, a déclaré que les alliés n’avaient pas voulu outrager la France !

Ces encouragemens, venant de la tribune française, devaient ajouter à la confiance du cabinet anglais. Aussi, dès ce jour, mit-il tout ménagement de côté. La calomnie, qui s’était d’abord contenue et qui s’enveloppait de formes hypocrites, va déborder maintenant. Dans un article écrit pour la Revue d’Edimbourg, à la demande expresse de lord Palmerston, M. H. Bulwer, chargé d’affaires de sa majesté britannique à Paris, ne craint pas de dire : « La France, dans tout le cours des négociations, n’a pas été sincère. C’est peu d’avoir caché un secret à des puissances avec qui elle négociait ; sa conduite tout entière n’a été qu’un tissu de subterfuges et de duplicités. » Ailleurs, M. Bulwer parle avec la même légèreté de ce qu’il appelle « notre vanité blessée et notre ambition sans repos. » M. Thiers, l’homme qui a résisté aux prétentions de lord Palmerston, n’est plus pour lui « qu’un ministre sans scrupules. » Les manœuvres