pour Constantinople, a transporté par le fait à Méhémet-Ali l’attachement qu’il avait professé pour le sultan ainsi que pour les intérêts de l’empire ottoman. »
L’accusation atteint ici, on le voit, un degré de précision et de clarté qui n’a plus rien d’équivoque. C’est devant le parlement, c’est-à-dire à la face de l’Europe, que le cabinet britannique dénonce l’inconséquence, la mauvaise foi, l’emportement et l’ambition de la France. La calomnie prend un caractère officiel ; et, si l’on passe du discours de lord John Russell à celui que lord Palmerston adressait six mois plus tard aux électeurs de Tiverton, on comprendra ce que la haine peut ajouter à la calomnie.
Du côté de la France, il n’a point été fait de réponse à ces libelles de la presse et de la tribune anglaise. Les débats engagés dans nos chambres sur les affaires de l’Orient avaient précédé ceux du parlement, et, au moment où le ministère britannique a exhalé ainsi publiquement ses plus mauvaises pensées, l’opinion chez nous, affaissée sur elle-même, n’était déjà plus en état de rendre coup pour coup.
Le discours de lord John Russell a donc passé, comme le memorandum de lord Palmerston, à peu près sans contradiction. Les cabinets européens en ont fait leur évangile politique. Les peuples, il est vrai, n’y ont cru qu’à moitié, et l’Allemagne, avec l’honnêteté ordinaire de ses jugemens, a reconnu les torts du ministère britannique. Mais l’Angleterre a été dupe de son gouvernement. À l’exception d’un très petit nombre d’hommes clairvoyans et généreux, tels que M. Grote, M. Leader, M. Hume, sir W. Mollesworth, le D. Bowring et lord Brougham, les radicaux eux-mêmes se sont convertis à la politique extérieure de lord Palmerston. À l’heure qu’il est, la Grande-Bretagne tout entière partage les préjugés, sinon les passions des hommes qui ont dirigé ses affaires dans la dernière crise. C’est cette opinion aveugle et par conséquent injuste que nous avons à redresser.
En faisant l’histoire des négociations dont la convention du 13 juillet 1841 marque le point culminant, je m’adresserai donc à l’Angleterre autant qu’à la France. Lord Palmerston a publié, à la demande du parlement, la correspondance officielle du cabinet anglais avec ses propres agens et avec ceux des cabinets étrangers. Ce sont les seuls documens auxquels je veuille avoir recours. Je n’aurai pas besoin de chercher ailleurs pour établir de quel côté, dans ce long duel de notre diplomatie avec celle de l’Europe, s’est trouvée la loyauté, et de quel côté la mauvaise foi, la perfidie, la trahison.