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ottoman, sa tranquillité intérieure ; elle demande à la Porte de ne pas rompre la paix de Kutaya, de ne pas prendre l’initiative d’une agression contre Méhémet-Ali, de renoncer même dans le voisinage de la Syrie à toute concentration de forces qui ne serait pas justifiée par les préparatifs militaires d’Ibrahim dans cette province. Elle demande à Méhémet-Ali de se replacer franchement dans les relations d’un vassal envers sa hautesse, d’évacuer immédiatement les districts d’Orfa et de Raka ; d’acquitter les tributs arriérés qu’il doit à la Porte pour l’Égypte, pour l’île de Candie, pour la Syrie, depuis le jour où il en a reçu l’investiture ; enfin de renoncer à cette attitude qui, exagérant beaucoup les nécessités de la plus simple défense, a tous les caractères de la provocation, et même de la révolte. »

Le gouvernement français ajoute que toutes les puissances s’accordaient dans ces vues, et que le consul anglais, M. Campbell, était chargé de remettre à Poghos-Bey une dépêche « absolument identique par ses principes et par ses conclusions. »

Quatre ans plus tard, le gouvernement britannique était encore fidèle, en apparence du moins, aux engagemens de 1833. On en trouvera la preuve dans une dépêche écrite, le 12 juillet 1838, par le colonel Campbell, consul-général d’Angleterre en Égypte, à lord Palmerston. M. Campbell rend compte des observations qu’il a présentées au pacha, qui projetait alors de se déclarer indépendant.

« Le pacha me dit que le gouvernement anglais ne paraissait pas comprendre sa position, et combien il lui était impossible, après les sacrifices qu’il avait déjà faits et après les améliorations qu’il avait introduites en Égypte, de descendre au tombeau avec la tache qu’imprimerait à sa mémoire un état de choses qui laisserait sa famille sans héritage, et qui l’exposerait même à toute sorte de persécutions.

« Je répliquai qu’à mon avis il devait se tenir pour satisfait du statu quo tel qu’on l’avait réglé à Kutaya, et se reposer sur les grandes puissances du soin de préparer un arrangement pour l’avenir. J’ajoutai que le gouvernement de sa majesté lui avait donné toute espèce de preuves de sa sollicitude pour le bien-être de l’établissement égyptien aussi long-temps qu’il consacrait la puissance et l’énergie de son esprit aux arts de la paix, ainsi qu’à introduire la prospérité et le comfort parmi les populations soumises à son gouvernement. Je lui dis qu’à lui parler avec franchise, je pensais que le meilleur moyen qu’il pût employer pour obtenir cette indépendance qui lui tenait tant à cœur, eût été de gouverner l’Égypte de manière à prouver à toute l’Europe la supériorité de son gouvernement sur celui des autres parties de l’empire turc, et le bonheur incomparable dont il faisait jouir ses administrés, et qu’une telle conduite aurait été particulièrement appréciée en Angleterre par le gouvernement, ainsi que par toutes les classes de la population.