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Mais, pour parler franchement, toutes ces propositions ont pour base une idée fausse. On s’imagine que le gouvernement cherchera à se créer à l’avance des majorités dociles, et qu’il violentera les membres du conseil d’état pour leur arracher des décisions conformes à ses désirs ; on veut les protéger contre sa tyrannie. Ces soupçons sont dépourvus de tout fondement : où trouver jamais une administration assez oublieuse de sa dignité pour organiser systématiquement à l’avance une juridiction servile et inique ? Le voulût-elle, elle n’y parviendrait point : l’opinion en ferait justice, et nul n’accepterait cette humiliante mission. Quel ministre, en France, dans ce pays d’honneur si fier, de délicatesse si susceptible, oserait adresser une menace à un magistrat ? Il est vrai que des destitutions ont frappé des conseillers d’état, mais elles ont toujours eu pour cause des faits politiques, jamais des votes donnés dans le conseil d’état, soit en matière contentieuse, soit même dans les affaires administratives. D’ailleurs, on l’a souvent dit, et l’expérience le prouve tous les jours, l’indépendance est bien plus dans le caractère que dans les garanties de situation.

J’admets donc le jugement du contentieux par une section du conseil d’état, mais je me refuse à des précautions dictées par un sentiment injuste de défiance.

Les recours autorisés par la commission devant le conseil d’état entier contre les décisions de la section du contentieux ont pour objet de faire disparaître les inquiétudes que suscite l’établissement d’une juridiction ; mais le système est trop compliqué et dépasse le but en certains points.

Les décisions de la section sont déférées au conseil d’état ; alors recommence toute une nouvelle instruction : mémoires, rapport, plaidoiries d’avocat, conclusions du ministère public, et comme, en cas d’annulation, la décision pourra s’étendre même au fait, le débat ne s’arrêtera pas seulement à la forme et au point de droit, ainsi qu’il arrive devant la cour de cassation, il devra traiter toutes les questions indistinctement. Le recours ouvre un troisième degré de juridiction quant à l’instruction, et, dans tous les cas, de nullité quant à la décision du litige.

Le système de la commission déplace et recule la difficulté que soulève le jugement du contentieux administratif ; il ne la résout point. Les objections adressées au projet de loi portent sur l’attribution qu’il entend faire du contentieux à la responsabilité ministérielle, au lieu de les déférer à une juridiction. La commission con-