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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

Louis XIV exigeait de plus que les États-Généraux renonçassent, en faveur de l’électeur de Cologne, à leurs prétentions sur la ville de Rhynberg ; en faveur de l’évêque de Munster, à la seigneurie de Borkeloo, à celles de Groll, de Bredevort et de Lichtenvoorde, et qu’ils satisfissent surtout le roi d’Angleterre[1]. C’était pour ce dernier prince qu’il avait demandé la ville de Delfzil avec vingt paroisses, afin de les lui donner en échange de l’Écluse et de l’île de Cadsant, où il ne désirait pas établir la puissance anglaise. Sentant combien il serait avantageux pour lui d’isoler la Hollande des Pays-Bas espagnols en se plaçant entre eux par l’acquisition du pays de la généralité, il écrivait : « Il m’importe, en séparant deux puissances qui me « sont légitimement suspectes, de ne pas les réunir en quelque sorte, selon les accidens qui pourraient arriver à l’avenir, par une troisième que j’établirais en terre ferme[2]. »

Ces conditions accablantes et humiliantes consternèrent les plénipotentiaires hollandais. Ils représentèrent tout ce qu’elles avaient d’excessif, et firent observer que la république ne pouvait pas accorder celles qui entamaient le territoire des sept provinces sans se démembrer, celles qui touchaient au commerce sans se ruiner, celles qui concernaient la religion sans se perdre par le renversement de la base fondamentale sur laquelle reposait leur état, et enfin consentir à la députation et à la médaille sans se déshonorer[3]. M. de Pomponne était d’avis d’adoucir ces conditions, mais M. de Louvois insista pour qu’on les maintînt, en disant « qu’il connaissait la timidité des Hollandais, qui croiraient avoir gagné tout ce qu’on ne leur ôterait pas[4]. » Les plénipotentiaires hollandais n’osèrent pas conclure. Ils demandèrent et ils obtinrent de Louis XIV cinq jours avant de rien décider, et M. de Groot retourna précipitamment à La Haye afin d’instruire les États de ces dures exigences et leur laisser le choix dangereux de s’y soumettre ou de les rejeter. M. de Guent resta seul auprès de Louis XIV, M. d’Odyck ayant accompagné M. de Groot et s’étant ensuite retiré de la négociation lorsqu’il apprit qu’elle était désapprouvée par la Zélande.

Arrivé à La Haye, M. de Groot communiqua les tristes propositions dont il était chargé aux États de Hollande. Il leur dit d’examiner avec

  1. Dépêche de Louis XIV à M. Colbert de Croissy, du 1er  juillet 1672.
  2. Dépêche de Louis XIV à M. Colbert de Croissy, du 23 juin 1672. (Correspondance d’Angleterre, vol. CIII.)
  3. Manuscrit no XXVI, p. 146 du liv. XX de l’Histoire inédite de Wicquefort.
  4. Ibid., p. 147.